Irak: deux ans après sa libération du joug de l’EI, la musique revient à Mossoul

Les habitants de Mossoul célèbrent ce mercredi 10 juillet les deux ans de la libération de leur ville. Capitale irakienne de l’organisation État islamique entre 2014 et 2017, les Mossouliottes ont vécu pendant 3 ans sous le joug des jihadistes. Un quotidien régi par la doctrine du groupe terroriste qui interdit l’alcool, la cigarette, mais aussi la peinture, la sculpture et la musique. Deux ans après, la vie artistique reprend progressivement son cours dans la deuxième ville d’Irak, autrefois haut lieu de culture.

Avec notre envoyé spécial à Mossoul,  Noé Pignède

C’est un petit studio d’enregistrement enfumé par les cigarettes, où l’on se faufile entre les pianos, les guitares et les flûtes traversières. Redouane, la vingtaine, commence son cours d’Oud. Une scène tout simplement inimaginable, il y a peine deux ans.

« J’ai commencé à apprendre la musique juste après la libération, explique-t-il. Ça a changé ma vie. Sous Daesh, je devais me cacher pour en écouter alors, quand je suis entré pour la première fois au conservatoire, j’ai ressenti un vent de liberté dans mon cœur. La musique, c’est un moyen de propager la culture, la paix et l’amour entre les gens, de réconcilier les communautés et de combattre la haine. Elle réunit l’humanité tout entière. »

Assis sur un vieux canapé, son professeur Nabeel Atraqchi l’accompagne à la guitare. Ce Mossouliote de 52 ans se réjouit du retour de la musique dans sa ville natale, après plusieurs années sous la menace des salafistes.

« C’étaient des jours très sombres. Vous ne pouviez plus écouter de musique à Mossoul. Ils pouvaient vous tuer pour ça. La vie s’était arrêtée. Nous gardions nos instruments cachés. Un de mes amis avait même enterré son violon dans son jardin. Mais aujourd’hui, c’est fini et nous profitons de ce moment de liberté. La vie reprend enfin son cours. »

Une ville toujours en ruines

La ville reste toutefois encore très abimée. La rive ouest de la ville, où s’était déroulée la partie la plus violente des combats, ressemble toujours à un champ de bataille. 8 millions de tonnes de gravats encombrent toujours les maisons, ravagées par les bombardements de la coalition internationale. En se promenant dans les décombres, il n’est pas rare de tomber sur un mortier non explosé, car plusieurs quartiers n’ont toujours pas été déminés.

Malgré le danger, quelques centaines de familles reviennent vivre dans la vieille ville. Une vie extrêmement difficile, car sur la rive ouest il n’y a plus d’école, pas d’hôpitaux, pas de services publics. Les habitants sont livrés à eux-mêmes, ignorés par le gouvernement.

Le gouvernement est d’ailleurs la cible de toutes les critiques à Mossoul. Et pour cause, le précédent gouverneur de la ville a détourné 64 millions de dollars destinés à la reconstruction.

Le meilleur symbole de l’inaction des pouvoirs publics et de la communauté internationale, ce sont peut-être les ruines de la mosquée Al-Nouri et de son minaret millénaire. Il y a 7 mois, l’Unesco organisait une cérémonie pour annoncer sa reconstruction avec ce slogan : « faire revivre l’esprit de Mossoul ». Le chantier n’a toujours pas commencé.

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