De notre correspondant au Caire,
En une semaine, trois programmes de télévision ont été suspendus et une quatrième menacée d’interdiction. Le Conseil supérieur de règlementation de l’audiovisuel, dont les membres sont nommés, a décrété en début de semaine la suspension de «SNL» en arabe, la version égyptienne du programme sarcastique américain Saturday Night Live. Un programme de satire sociale diffusé sur une chaîne de télévision privée et dont le contenu a été juge «immoral». Le Conseil a aussi suspendu un autre programme pour diffusion d’images «érotiques». Mardi c’était au tour d’un programme d’investigation qui traitait du viol sur mineur qui a été suspendu pour «langage offensant». Le programme comique Abla Fahita, qui bat des records d’audience, a également été menacé d’interdiction s’il n’arrêtait pas les «allusions sexuelles».
La chanson et la danse également visées
Le mois dernier, deux chanteuses ont été arrêtées et condamnées à des peines de prison ferme pour des clips vidéo jugés comme «incitant au stupre» pour des sous-entendus érotiques. La semaine dernière, c’est une danseuse russe, Jawhara, qui était arrêtée pour «indécence» après qu’une vidéo de ses trémoussements s'est répandue sur les réseaux sociaux. La police des mœurs lui reprochait de ne pas porter un short sous ses vêtements, un décolleté profondément généreux et des ondulations trop évocatrices. Elle a toutefois été libérée sous caution.
Le retour des salafistes
Ce coup de fièvre puritaniste s'explique d’abord par le retour en force des salafistes qui pratiquent une version rigoriste de l’islam tout en soutenant le pouvoir. Certains observateurs estiment aussi que les autorités cherchent à se draper du voile de la moralité au moment où elles sont en guerre contre l’organisation Etat islamique qui accuse le pouvoir d’être «mécréant».
Il y également l’élection présidentielle prévue le mois prochain. Le président Sissi part super grand favori dans la campagne électorale après le retrait de gré ou de force de tous les éventuels concurrents. Mais peut-on vraiment priver les Egyptiens des deux éternels fondamentaux de leur humour légendaire, la politique et le sexe ? Visiblement pas si l’on en croit les réseaux sociaux.