Avec notre correspondant à Beyrouth, Paul Khalifeh
L'objectif de l'opération lancée par les rebelles syriens soutenus par la Turquie est de mettre en place dans la province d'Idleb la plus grande desquatre « zones de désescalade » établies en Syrie, conformément aux accords d'Astana, parrainés par la Russie, la Turquie et l'Iran. Mais, pour y parvenir, il faut au préalable réduire l'influence del'ex-branche d'al-Qaïda en Syrie - Fateh al-Cham qui domine la coalition Tahrir al-Cham, une coalition de groupes islamistes et jihadistes armés - qui contrôle une large partie de la province, y compris son chef-lieu.
C'est dans ce cadre que s'inscrit l'opération annoncée par le président turc et qui n'en est encore qu'à un stade préparatoire, malgré quelques escarmouches vendredi 6 et samedi 7 octobre.
750 rebelles syriens en marche vers Idleb
L'armée turque s'est employée ces trois derniers jours à démonter une partie de la clôture frontalière pour permettre le passage de véhicules militaires. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), 750 rebelles syriens sont entrés en Syrie en provenance du territoire turc. Des convois de combattants du Bouclier de l'Euphrate, une coalition proche d'Ankara, ont aussi été aperçus se dirigeant vers Idleb.
Le président Erdogan a précisé que l'armée turque n'était pas encore entrée dans la province syrienne et a évoqué un appui aérien russe dans cette opération. Dans une seconde étape, la police militaire turque devrait se déployer à Idleb pour garantir le cessez-le-feu. Le gouvernement syrien n'a pas réagi à toutes ces informations.
L'offensive turque intervient alors que Tahrir al-Cham, qui compte quelque 10 000 combattants selon l'OSDH, se trouve déjà en posture délicate. La Russie a annoncé mercredi 4 octobre avoir grièvement blessé son chef Mohammad al-Jolani, ce que le groupe a nié. Et, ces derniers mois, les défections au sein de cette coalition se sont multipliées ; Fateh al-Cham, ex-front Al-Nosra, étant notamment accusé de s'être accaparé le pouvoir.
De nombreuses défections au sein de la coalition Tahrir al-Cham
Tout a commencé en juillet 2017, quand Tahrir al-Cham a attaqué les positions de l'organisation salafiste Ahrar al-Cham, un de ses alliés les plus puissants qui est sorti laminé de l'affrontement. Cette attaque a poussé plusieurs factions islamistes à abandonner la coalition, à l'instar du groupe Nourredine al-Zinki, qui compte des milliers de combattants. Puis, fin septembre, ce fut au tour de Jaïch al-Ahrar, considérée comme la force d'élite de la coalition, de partir. Difficile de ne pas lier ces défections à « l'approche d'une intervention turque à Idleb », estime Sam Heller, du centre de réflexion Century Foundation.
« Être lié de quelque manière que ce soit à des groupes comme Tahrir al-Cham est un choix de plus en plus risqué », confirme Charles Lister, expert de la Syrie au Middle East Institute. Le conflit syrien est entré dans « une nouvelle phase », explique-t-il, les jihadistes étant désormais perçus par les rebelles comme un allié toxique.