Les symptômes de l’exposition des victimes à des agents chimiques toxiques ne font pas de doutes, les images et les témoignages sont parlants. Cette attaque rappelle celle qui a visé la Ghouta orientale en août 2013, et qui a fait 1400 morts, rappelle notre correspondant à Moscou, Paul Khalifeh.
Pour Moscou, Damas visait un « entrepôt terroriste »
L’élément nouveau est venu de Moscou ce mercredi qui a rapidement disculpé son allié syrien. Dans un communiqué, le ministère russe de la Défense affirme que l'aviation syrienne a frappé un « entrepôt terroriste » contenant des « substances toxiques ». « Selon les données objectives du contrôle russe de l'espace aérien, l'aviation syrienne a frappé près de Khan Cheikhoun un grand entrepôt terroriste », qui contenait des « substances toxiques », précise le communiqué. Moscou le reconnaît : oui, il y a eu une attaque chimique mais l’aviation syrienne n’y est pour rien.
L’Observatoire syrien des droits de l’Homme avait effectivement fait état de frappes aériennes, alors que des sources de l’opposition syrienne ont évoqué des tirs d’obus chargés de gaz chimique. Cinq nouvelles frappes aériennes ont été signalées par l'Osdh dans la région mercredi 5 avril.
La Syrie n'a plus d'armes chimiques selon Damas
Après le démenti catégorique de l'armée syrienne mardi, le vice-ministre syrien des Affaires étrangères est le plus haut responsable officiel à avoir réagi. Fayçal al-Mokdad a rappelé que la Syrie avait respecté tous ses engagements internationaux et avait démantelé son arsenal d’armes chimiques.
Le vice-ministre a ajouté, dans un entretien à la chaîne panarabe al-Mayadeen, que Damas avait fourni à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques, il y a quelques semaines, des informations sur le stockage en Syrie, par l’ex-branche d’Al-Qaïda, de produits toxiques dans le but de les utiliser pour faire accuser le gouvernement syrien.
Le soutien russe à la Syrie dans le viseur
Le veto russe est un bouclier pour Bachar el-Assad. Depuis le début du conflit syrien les projets de résolution, de sanctions contre le régime de Damas se suivent. Le scénario est rôdé : le niet russe, refus catégorique de sévir, retentit à chaque fois au sein du Conseil de sécurité des Nations unies.
Pour la huitième fois en six ans de conflit syrien, la Russie va se retrouver ce mercredi face à sa conscience, rappelle notre correspondante à New York, Marie Bourreau. A force de pressions publiques et de condamnations internationales, Matthew Rycroft, le représentant britannique à l’ONU espère encore un revirement de Moscou.
« Il s'agit manifestement d'un crime de guerre et j'en appelle aux membres du Conseil de sécurité qui ont par le passé utilisé leur veto pour défendre l'indéfendable afin qu'ils changent de cap. », exhorte-t-il.
Un texte plus « acceptable »
Le texte qui devrait être voté condamne les attaques chimiques, demande au régime syrien de participer à l’enquête, mais il ne fait nullement mention de sanctions, ce qui le rend sans doute plus acceptable par Moscou. Une stratégie des « petits pas » pour engager une première base de travail avec les Russes.
Le projet de résolution demande également au secrétaire général de l'Onu, Antonio
Guterres, un rapport mensuel sur la coopération du gouvernement syrien dans le cadre de l'enquête internationale sur l'usage d'armes chimiques en Syrie. Sans se prononcer sur ce sujet, ce dernier a déploré ce mercredi que « des crimes de guerre continuent » et a jugé l'attaque « chimique » de la veille « horrible ».
Cette réunion devra aussi clarifier la position américaine en Syrie. Les déclarations très flottantes de l’ambassadrice Nikki Haley qui condamne un jour un criminel de guerre, puis assure le lendemain que Bachar el-Assad n’est plus une priorité pour le gouvernement américain ont pu être interprétées à Damas comme un blanc-seing offert au régime.