Avec notre correspondante à New York, Marie Bourreau
Il y a à peine 24 heures, Nikki Haley assurait face à des experts de politiques étrangères qu’il était impossible de travailler avec un homme capable d’utiliser des armes chimiques contre son propre peuple. Quelques heures plus tard, changement de ton radical. Bachar el-Assad semble avoir retrouvé grâce à ses yeux.
Devant un nombre restreint de journalistes, elle a assuré que le sort du président syrien n’était plus la priorité du gouvernement américain. « Il faut choisir ses batailles », a-t-elle dit. « Quand vous regardez la situation, il faut changer nos priorités, et notre priorité n'est plus de rester assis là, à nous concentrer sur faire partir Assad ».
Virage à 180 degrés
C’est un virage à 180 degrés pour Washington qui, depuis le début du conflit il y a six ans, estimait que le départ du président syrien était l’unique solution pour ramener la paix dans le pays.
Avec cette déclaration, Nikki Haley a affolé ses plus proches collaborateurs qui ont tenté d’éteindre l’incendie. Ils ont plaidé l’incompréhension et assure que les priorités de l’administration n’étaient plus seulement exclusivement le sort de Bachar el-Assad mais aussi de défaire Daech, éliminer l’influence iranienne, protéger les alliés des Etats-Unis dans la région et apporter la paix au peuple syrien.
L'opposition syrienne choquée
Cette déclaration a fait bondir l'opposition syrienne. Akram al-Ahma, directeur du Syrian Press Center à Idlib, confie que la nouvelle est difficile à appréhender. « En vérité, nous avons été profondément choqués par la déclaration de la représentante des Etats-Unis à l'ONU. Il est extrêmement douloureux d'apprendre que malgré le nombre de crimes commis par le régime syrien, certains pays estiment que le départ de Bachar el-Assad n'est pas nécessaire. Nous avions eu de l'espoir en apprenant qu'en Espagne, une procédure avait été lancée concernant les crimes de guerre en Syrie mais malheureusement cet espoir a été déçu par les déclarations de la représentante des Etats-Unis à l'ONU. »
En revanche, cette évolution américaine a de quoi satisfaire l'Iran qui soutient Bachar el-Assad. C'est tout le paradoxe de ce virage américain sur la Syrie : il conforte la politique iranienne dans la région alors que l'administration Trump entend affichet une ligne dure face aux ambitions régionales de Téhéran.
Quant à la France, sa position est plus ambiguë. « Est-ce que l'on garde Assad ou est-ce que l'on ne garde pas Assad ? Ce n'est pas comme ça que la question se pose », a déclaré Jean-Marc Ayrault à son arrivée à Bruxelles ce vendredi, où il participait à une réunion de l'Otan. Certes, le chef de la diplomatie française a ajouté que l'on « imaginait pas l'avenir de la Syrie avec Bachar el-Assad à sa tête alors qu'il y a eu 300 000 morts » mais il semble loin le temps où Paris affirmait haut et fort que le départ du dirigeant syrien était un préalable à tout règlement politique du conflit. Quelle position la France défendra-t-elle à l'avenir ? La réponse dépend largement du résultat de l'élection présidentielle du mois prochain.