Attaque en Syrie: la population exposée à des «agents neurotoxiques» selon l’OMS

Une nouvelle fois, l'horreur en Syrie. Une attaque sur la petite ville de Khan Cheikhoun, dans la province d'Alep, a fait au moins 72 morts et près de 200 blessés, mardi 4 avril, selon un dernier bilan de l'ONG Observatoire syrien des droits de l'homme. L’Organisation mondiale de la santé confirme des signes d’exposition à des « agents neurotoxiques » chez les populations civiles. Ce nouvel épisode du conflit provoque une levée de boucliers.

En 2013, le régime de Bachar el-Assad était accusé d'une attaque au gaz toxique dans la région de Damas, à la Goutha. Suite à cet évènement, le pouvoir avait accepté de démanteler son arsenal chimique, sous supervision internationale.

Pourtant, ce mardi, des témoignages concordants font état d'un bombardement suspect qui a fait des dizaines de victimes, apparemment décédées par suffocation. Le régime syrien se défend d'avoir utilisé des gaz chimiques. L'ONU annonce qu'elle enquête et le Conseil de sécurité se réunit ce mercredi après-midi.

Ce mercredi, dans un communiqué, l'OMS pointe que « certaines victimes d'une attaque chimique présumée en Syrie présentent des symptômes évoquant une exposition à une catégorie de produits chimiques comprenant des agents neurotoxiques ».

Selon Olivier Lepick, chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique, « depuis quelques mois, on avait constaté la multiplication d’un certain nombre d’attaques chimiques, mais c'était avec du chlore, un agent industriel certes toxique, mais qui n’entre pas dans la catégorie des agents chimiques militaires, en tout cas des agents modernes comme les neurotoxiques dont la toxicité est infiniment supérieure. »

Chlore, agents neurotoxiques...

L’utilisation récurrente de chlore est confirmée par Ziad Alissa, joint par RFI. Mais dans le cas de l'attaque de mardi, les symptômes et les photos et vidéos envoyées par ses contacts sur place à ce médecin franco-syrien, originaire d’Alep, par ailleurs président de l’Union des organisations de secours et soins médicaux, laissent penser que ce sont bien des agents neurotoxiques qui ont été utilisés. « Les victimes qui l’ont reçu ont des problèmes de respiration, il y a beaucoup de secrétions et tous ces symptômes vont avec le gaz neurotoxique. »

Autre problème des gaz neurotoxiques, les « complications après, surtout des complications respiratoires qui rendent la survie plus difficile. Et ça peut quand même doubler le nombre de victimes, malheureusement », ajoute le médecin.

Mais selon Brigitte Vasset, directrice médicale adjointe de MSF, qui a pu envoyer des équipes dans la zone touchée, si tout concorde pour confirmer l'usage d'agents neurotoxiques, dont les victimes souffrent de « des troubles de la conscience mais également des spasmes musculaires, des défécations involontaires et des pupilles très rétractées », le constat d'autres équipes envoyées dans d'autres centres de santé proches de l'attaque laissent aussi à penser que du chlore a été utilisé : « elles ont senti sur les vêtements des personnes malades une odeur de chlore. Autant les gaz neurotoxiques ne sentent rien, autant le chlore laisse une odeur sur les vêtements. »

Terroriser les populations

Ce type d’armes n’a pas d’intérêt tactique, reprend Olivier Lepick : on est dans des opérations de « terrorisation des populations civiles ». « On connait évidemment l’impact des armes chimiques sur la psychologie des victimes, et notamment des populations civiles qui ne sont pas ou peu protégées contre ces armes. C’est une façon de terroriser les populations civiles des zones qui sont aujourd’hui toujours tenues par la rébellion, mais absolument pas, je dirais, un intérêt militaire. »

L’opposition et les puissances occidentales accusent Bachar el-Assad, mais la version russe est différente. Moscou le reconnaisait ce mercredi matin dans un communiqué du ministère de la Défense : oui, il y a eu une attaque chimique. En revanche, l’aviation syrienne n’y est pour rien ; l’armée de Bachar el-Assad a bombardé des entrepôts d’armement rebelles où étaient entreposés des agents chimiques, selon la Russie.

Il est impossible pour le moment de savoir qui dit vrai dans cette histoire, ni quel intérêt aurait eu le régime syrien de commettre une telle attaque indéfendable alors même que ses troupes, soutenues militairement par la Russie, sont en position de force sur le terrain.

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