Avec notre correspondante à Ramallah, Marine Vlahovic
Assis, un livre à la main dans les vapeurs d'essence des rues embouteillées de Ramallah, Khalil a appris la condamnation du soldat Azaria il y a quelques heures.
Malgré le caractère exceptionnel de ce jugement, c'est une évidence pour le sexagénaire : « Peu importe qu'il soit condamné maintenant par les Israéliens, il était coupable dès le début et il a déjà été condamné par le monde entier, affirme-t-il. Il a tout même tiré un sur jeune Palestinien qui gisait à terre avec l'intention de tuer ! »
A quelques centaines de mètres devant son taxi jaune flambant neuf, Muhammad estime lui aussi que justice a été rendue au jeune Palestinien : « Oui c'est une décision importante, ce jeune ça aurait pu être mon fils, un ami ou mon frère. »
Comme bon nombre de ses compatriotes, Fadi a suivi de près cette affaire symbolique, mais le jeune homme qui travaille dans l'humanitaire reste sceptique. « C'est peut-être quelque chose de bien oui, mais je ne veux pas attendre d'être abattu avant qu'un soldat soit condamné et soit mis en prison pour quelques semaines, quelques mois ou au maximum deux ans », se désole-t-il.
Riyad Al-Maliki, le ministre des Affaires étrangères palestinien, a quant à lui dénoncé un procès spectacle, qui n'a pas mis en lumière la culture de l'impunité en œuvre dans l'armée israélienne.
Une « condamnation purement symbolique »
Du côté des organisations palestiniennes de défense des droits de l'homme, on dénonce une condamnation purement symbolique.
Coupable mais pas totalement responsable, c'est ainsi que Shawan Jabarin résume le jugement prononcé à l'encontre du soldat israélien. Le directeur d'Al-Haq, l'une des plus anciennes organisations palestiniennes des droits de l'homme est surtout sceptique sur la peine qui devrait être prononcée dans les prochains jours. « Ils ont jugé que ce n'était pas un homicide volontaire, avec l'intention de prononcer une peine allégée… Dans cette affaire tout était clair parce qu'une caméra a tout enregistré. Mais que dire alors des centaines de Palestiniens qui ont été tués intentionnellement ? »
Ce que l'on nomme l'Intifada des couteaux aurait coûté la vie à près de 35 Israéliens et de plus de 240 Palestiniens depuis octobre 2015. Et Al-Haq a mené une large enquête. Après avoir, consulter les dossiers, interroger des témoins directs, ou encore visionner les rares vidéos disponibles, l'organisation estime que dans 85% des cas, il s'agit d'exécutions sommaires. « Cela veut dire que les soldats ont tiré sur des Palestiniens pour les tuer alors qu'ils n'étaient pas en situation de danger », poursuit Shawan Jabarin.
Dans un récent rapport l'ONG Human Rights Watch dénonce une politique israélienne du « tirer pour tuer ». L'organisation Al-Haq se prépare quant à elle à saisir la Cour pénale internationale prochainement.