Fallait-il aller à Damas à la mi-décembre, serrer la main des ministres de Bachar el-Assad, alors qu'Alep agonisait dans le sang et les flammes ? Voilà la pierre que jette dans le jardin de ses collègues Annie Sartre Fauriat. Elle dénonce la présence d'une vingtaine d'archéologues invités par le ministre syrien de la Culture à débattre de l'avenir du patrimoine du pays.
Le colloque a eu lieu le 11 décembre « au moment où l'aviation du régime et les Russes pilonnaient Alep en massacrant la population », déclare cette historienne spécialiste de la Syrie antique. « C'était totalement inopportun de faire un colloque sur la reconstruction du patrimoine dans ces conditions », juge-t-elle encore.
« Polémique à court terme »
Premier visé, l'archéologue Pierre Leriche, à la tête de la délégation française. Il récuse toute politisation et se réfugie derrière l'urgence de la situation. Son collègue Yves Ubelman dirige Iconem, société de modélisation en 3D des sites en péril.
Pour lui, l'archéologie ne doit pas être otage de la politique. « Ces polémiques à court terme n'entrent pas dans notre temporalité, estime-t-il. En juin dernier, par exemple, nous avons fait une documentation grâce à des drones longue distance du site de Nimroud, en Irak. Quelques mois plus tard, la ziggourat [pyramide religieuse] de Nimroud a été rasée par l'Etat islamique ».
En définitive, la question que pose cette polémique est simple : a-t-on le droit au nom de la protection du patrimoine d'évacuer toute considération morale ? Les valeurs humaines doivent-elles ou non primer sur le travail scientifique ?