Alep-Est disparaît chaque jour un peu plus sous la poussière et les gravats. Celle qui était autrefois la deuxième ville de Syrie est broyée par les bombardements aériens et les tirs d’artillerie.
Cette semaine six grandes puissances parmi lesquelles la France et les Etats-Unis ont lancé un énième appel à la trêve. La Russie, alliée clé du régime de Damas, a d’abord rejeté cette initiative puis a annoncé unilatéralement l’arrêt des raids aériens et des tirs d’artillerie, comme pour mieux afficher sa position de force. « Je peux vous dire qu'aujourd'hui, les opérations de combat de l'armée syrienne ont été interrompues dans l'est d'Alep parce qu'il y a une grande opération en cours qui est l'évacuation des civils », a déclaré, Sergueï Lavrov. « Il va y avoir une colonne d'évacuation de huit mille personnes, leur itinéraire fait cinq kilomètres », a poursuivi le chef de la diplomatie russe.
Sergueï Lavrov a par ailleurs annoncé que des tractations militaires et diplomatiques russo-américaines se tiendront samedi à Genève « pour terminer le travail [...] définissant les moyens de résoudre les problèmes d'Alep-Est ». Ces tractations étudieront notamment des plans d'évacuation des combattants rebelles et des civils qui le souhaitent.
« Personne n’entend notre appel à l’aide »
Les quelque 250 000 habitants d’Alep-est sont assiégés et affamés depuis le mois de juillet. Tous les hôpitaux ont été détruits par les frappes aériennes. « S’il n’y avait pas eu autant de civils dans Alep, la bataille aurait pris une toute autre tournure. Mais la stratégie du régime est basée sur l’extermination des civils. C’est sa méthode pour faire pression sur les combattants de l’opposition », regrette au téléphone Ali Ibrahim. Celui qui se présente comme le porte-parole de la jeunesse révolutionnaire syrienne, a réussi à quitter Alep il y a quelques mois. Réfugié en Norvège, il continue d’œuvrer pour « la cause syrienne ».
La gorge serrée, Ali Ibrahim déplore le chaos humanitaire dans lequel est plongée la Syrie. « C’est la pire des situations, des habitants de villes entières deviennent des réfugiés du jour au lendemain et tout cela avec la bénédiction du monde entier. Tous les pays sont complices qu’ils soient amis ou ennemis », s’emporte le jeune militant. « Nous, les Syriens, nous passons notre temps à espérer et espérer encore... et personne n’entend notre appel à l’aide. Les grandes puissances passent leur temps à faire du tapage médiatique et à faire des grands discours mais sans jamais rien de concret. Personne ne se dit qu’il faut exercer de véritables pressions sur Bachar el-Assad et ses alliés russe, iranien et le Hezbollah », conclut-il.
« Convertir une victoire militaire en succès politique »
Damas peut aujourd’hui remercier ses alliés. Il y a deux ans, son armée était à la déroute et désormais l’ordre de Bachar el-Assad est en passe d’être restauré.
« Le régime considère la victoire d’Alep comme un élément important de sa relégitimation. Il y a vraiment un impact politique fort de cette victoire militaire et une exploitation tous azimuts, par le régime, de ce succès. Même s’il n’est pas encore achevé », analyse Cédric Mas, spécialiste du conflit syrien. « Au-delà des enjeux politique et militaire, Alep est la deuxième ville de Syrie. Autrefois cette cité commerciale et industrielle était prospère. A travers cette reconquête, il y a donc aussi un poids économique », poursuit cet historien militaire. Mais attention avertit l'auteur de Kurultay.fr, « ce succès à Alep est loin de régler la crise en Syrie. »
Résister à tout prix
A Alep, les combattants rebelles occupent toujours une partie des quartiers orientaux. La poche de résistance est certes réduite mais pas totalement vaincue. Dans
d’autres régions de Syrie, des zones très restreintes et entièrement assiégées, ont lutté pendant des années.
Dans le dernier carré rebelle d’Alep, certains militants de l’opposition y croient d’ailleurs dur comme fer. « Je ne veux pas que l’on dise : l’opposition à Alep vit ses derniers jours. Nous pouvons encore résister », dit avec détermination Abdelwahab Abou Zeid. « Je suis un militant de l’opposition, mon travail est sur le terrain et chaque jour je rencontre les habitants d’Alep, je sais qu’ils ont la force de résister. Mais il nous faut du soutien. Si la communauté internationale veut vraiment nous aider il est encore temps. Des avions peuvent parachuter de l’aide humanitaire. A côté de nous à Alep se trouvent deux villages pro-régime et nous voyons tous les jours des avions de l’armée leur apporter de l’aide. Donc il suffit que nous aussi on reçoive de quoi soigner nos blessés et nous pourrons encore tenir bon. »
■ A Paris, le soutien aux humanitaires de Syrie
Deux jours avant la réunion internationale prévue à Paris sur le conflit syrien, l'ONG Médecins du monde et l'Union des organiations de Secours et soins médicaux se sont mobilisées jeudi 8 décembre sur le parvis des droits de l'homme dans la capitale française.