Syrie: sur le plan militaire et humanitaire, la trêve a volé en éclats

Sauver la trêve et relancer le processus diplomatique. Les puissances mondiales et régionales impliquées dans le conflit en Syrie sont réunies ce mardi 20 septembre à New York pour l'Assemblée générale annuelle de l'ONU. Mais sur le terrain, des dizaines de civils, dont une vingtaine de personnes dans un convoi humanitaire, ont été tués lundi soir dans des raids aériens. L'ONU a annoncé la suspension de ses convois d'aide.

Dès l’annonce de la fin de la trêve par l’armée syrienne, les combats ont repris à grande échelle à Alep lundi 19 septembre. Au moins 40 raids aériens ont frappé les quartiers Est de la ville, contrôlés par les rebelles, et des villages de la province.

Les bombardements les plus meurtriers ont touché un convoi d’aide humanitaire du Croissant-Rouge syrien et des Nations unies se dirigeant vers Oroum al-Koubra, à l’ouest d’Alep. Dix-huit camions ont été endommagés par ces frappes. Ils faisaient partie d'un convoi de 31 véhicules. On dénombre une vingtaine de morts.

L’ONG Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) n’a pas été en mesure de préciser si les avions étaient russes ou syriens. L'armée russe, qui opère dans cette région en soutien du régime Assad, a promis ce mardi d'enquêter. Les aviations syrienne et russe démentent avoir visé un tel convoi.

Les Nations unies ont suspension leurs convois humanitaires, « en attendant une nouvelle évaluation de la situation sécuritaire » en Syrie, dixit le porte-parole du Bureau de coordination des Affaires humanitaires de l'ONU (Ocha), Jens Laerke. S'il était intentionnel, le raid constituerait un « crime de guerre », selon le reponsable des opérations humanitaires de l'ONU.

Le fracas des bombes a donc succédé à l'accalmie relative débutée la semaine dernière, dans la foulée d'un accord entre la Russie et les Etats-Unis. Cette trêve devait justement permettre d'acheminer de l'aide vers des zones assiégées en Syrie, et notamment les quartiers rebelles d'Alep.

Même pendant la semaine de cessez-le-feu, l'Organisation des Nations unies n'a pas été véritablement en mesure de faire rouler ses camions vers les populations concernées. On a vu ce qui arrivait au moment où un convoi a finalement pris la route.

Damas, désert de Homs, provinces de Quneitra et de Hama : des combats partout

Après la fin du cessez-le feu, des duels d’artillerie ont aussi éclaté entre l’armée syrienne, qui contrôle l’ouest d’Alep, et les rebelles, assiégés dans les quartiers est. Des dizaines d’obus et de roquettes se sont abattus sur les secteurs résidentiels et sur les lignes de démarcation.

L’armée syrienne, qui accuse les rebelles d’avoir mis à profit les sept jours de trêve pour se regrouper en prévision d’une offensive, s’est redéployée sur la route du Castello, qu’elle avait évacuée, au nord de la ville, en fin de semaine dernière.

La situation n’est pas plus calme ailleurs dans le pays. Presque tous les fronts se sont réveillés en même temps. A Damas, des combats ont eu lieu dans le quartier de Jobar, contrôlé par des groupes jihadistes et islamistes à quelques kilomètres seulement du centre-ville, ainsi que dans la périphérie de la capitale.

Dans la province méridionale de Quneitra, relate notre correspondant à Beyrouth, Paul Khalifeh, les rebelles ont bombardé le village de Hadar et des combats ont eu lieu non loin du Golan occupé par Israël.

Dans le désert de Homs, au centre, l’aviation a mené des raids contre des positions du groupe Etat islamique, en même temps que des combats au sol. La situation n’était pas meilleure dans la province centrale de Hama, où les rebelles étaient à l’offensive avant l’entrée en vigueur de la trêve, le 12 septembre dernier.

Cinq ans de guerre, plus de 300 000 morts selon l'OSDH, des millions de réfugiés et de déplacés. Ce mardi à l'ONU, une rencontre du Groupe international de soutien doit réunir les acteurs, des Etats-Unis à la Russie en passant par l'Iran et l'Arabie saoudite. Mais la vingraine de pays qui le composent ont des intérêts et des alliances contradictoires dans le conflit syrien.

→ À relire : L'appel à l'aide de l'opposition syrienne avant l'Assemblée générale de l'ONU


■ La fin de la trêve, vue de Russie

Les autorités russes se disent très inquiètes de la dégradation de la situation en Syrie. Pour Moscou, les responsables sont les « terroristes », relate notre correspondant à Moscou, Etienne Bouche. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a réagi ce mardi en ces termes : « Les conditions sont très simples, il faut cesser les tirs, il faut que les terroristes arrêtent d’attaquer l’armée syrienne. »

Moscou affirme que les combattants du Front al-Nosra sont passés à l’offensive et que l’armée syrienne est la seule à avoir respecté la trêve. Moscou pointe aussi la responsabilité des Etats-Unis : « Il serait bien que nos collègues américains ne bombardent plus par erreur les Syriens », fait en effet remarquer M. Peskov.

Et d'accuser les Américains de ne pas faire de distinction entre terroristes et opposition dite « modérée ». Alors que Washington désigne indirectement Moscou concernant le convoi humanitaire touché lundi par un raid aérien, le ministère russe de la Défense affirme que les aviations russe et syrienne ne sont pas à l’origine de l’opération.

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