Avec notre envoyée spéciale, Oriane Verdier
Les forces kurdes du nord de l'Irak ont lancé le 14 août une offensive en direction de Mossoul, deuxième ville du pays et capitale autoproclamée de l'organisation Etat islamique dans le pays.
Les peshmergas ont déjà repris le contrôle d'une dizaine de villages au sud-est de la ville. Derrière un mur de sacs de sable, Shivan observe le va-et-vient des voitures blindées qui rejoignent les villages en phase d'être repris des mains du groupe Etat islamique. A un kilomètre de là, un épais nuage de fumée noir s’élève.
« Vous voyez la fumée là, c’est les peshmergas qui ont bombardé, explique-t-il. Parfois, les avions de la coalition tirent aussi. Mais certaines explosions sont parfois causées par les hommes de Daech eux-mêmes. La fumée empêche les avions de les viser ».
« Nous travaillons en deux temps, poursuit Shivan. La première unité avance avec des véhicules blindés et des canons pour sécuriser la ville. Ensuite, nous intervenons pour combattre Daech dans les rues et défendre les nouveaux territoires conquis ». Le groupe EI a annoncé que deux voitures piégées conduites par des kamikazes ont explosé dans un des villages des environs de Mossoul pour bloquer l'avancée des forces kurdes et qu'elles ont fait des victimes parmi les peshmergas.
La plus grande ville aux mains de l'EI
Shivan et ses camarades sont regroupés dans un bunker et attendent donc le signal de leur chef Hassan. Ce dernier est assis sur un tapis, en contrebas du mirador. « Sur le nouveau front, ils sont déjà en train de construire des bases, détaille-t-il. Nous allons les remplacer pour la nuit. On ne va pas dormir cette nuit et peut-être pas non plus les nuits suivantes. Nous sommes en situation de guerre en face à face avec l’ennemi ».
La reprise définitive de ces villages permettrait aux combattants kurdes de sécuriser leurs bases arrière souvent victimes d’attaques de l'organisation jihadiste. Il s'agirait aussi d'un nouveau pas vers Mossoul qui n’est plus qu’à une vingtaine de kilomètres du front kurde. S'ils parviennent à réparer un point détruit par le groupe Etat islamique à Gouer, les peshmergas pourront ouvrir un nouveau front autour de Mossoul, car le pont traverse un affluent du Tigre, le Grand Zab.
La grande ville du Nord irakien était tombée aux mains de l'organisation sunnite fondamentaliste en juin 2014. Il s'agit de la plus grande agglomération entre les mains du « califat » proclamé par Abou Bakr al-Baghdadi, qui comptait près de deux millions d'habitants avant la guerre.
Mossoul, un enjeu politique majeur
Mais le général peshmerga Didawan tient à ne pas crier victoire trop tôt. « Libérer Mossoul ne sera pas aussi facile que libérer une dizaine de villages, insiste-t-il, exprimant ses craintes pour les batailles à venir. Mossoul est une ville stratégiquement importante pour Daech. » Le général rappelle que Mossoul représente des enjeux géopolitiques majeurs. « Il doit avant tout y avoir un accord politique entre la région autonome du Kurdistan, le gouvernement national irakien et les Etats-Unis, pour déterminer la participation de chacun dans la reprise de Mossoul, ainsi que dans la gestion du post-Daech. Ces problématiques-là s'imposent à nous. »
Didawan est bien conscient que la ville est un noeud de problèmes politiques qui s'étend au-delà de la région. « Le problème ne vient pas que de Daech il y a également des conflits entre chiites et sunnites, et l'Etat irakien utilise Daech pour stigmatiser les sunnites. Le débat n'est pas que national, tous les pays de la région ont des intérêts dans la ville de Mossoul. D'un côté le camp sunnite: la Turquie, l'Arabie Saoudite, le Qatar, les Emirats arabes unis, Dubaï, et de l'autre côté le camp chiite: l'Iran, la Syrie et le centre de l'Irak. Si tous ces pays arrivaient à se mettre d'accord sur la gestion de Mossoul et la protection des habitants, la reprise de la ville serait très facile. »