Le régime syrien a intensifié lundi ses bombardements sur des zones rebelles dans la province d'Alep (nord), tuant 22 civils à la veille d'une réunion de l'ONU avec Américains et Russes pour tenter de relancer un processus de paix.
Ces derniers jours quatre hôpitaux ont été bombardés. Un cinquième est totalement hors d’usage dans la ville voisine d’Attareb à l’ouest d’Alep. Selon Abou el-Haythem el-Hour militant de l’opposition, ces frappes aériennes délibérées contre les hôpitaux interviennent alors que la ville d’Alep vit sa deuxième semaine de siège. Ces derniers jours les bombardements ont été très intenses et très violents, témoigne Abou el-Haythem el-Hour. « Les habitations civiles ont été touchées, les infrastructures de base également. Durant les cinq derniers jours des hôpitaux ont été aussi frappés. Désormais, ils sont inopérants. Il y a eu des morts à cause des raids aériens. »
Selon le militant, la ville voisine d’Attareb où vivent 40 000 civils a été bombardée 27 fois ces dernières heures. Il y a eu notamment des bombes à sous munitions qui ont touché la ville et qui ont fait une dizaine de victimes. L’hôpital d’Attareb où étaient soignées les personnes blessées durant les frappes aériennes est désormais détruit et il n’y a plus aucun moyen de le remettre en service, rapporte-t-il. « Tous ces raids aériens ne sont pas aléatoires. Les hôpitaux sont volontairement ciblés ».
Des barils d’explosifs lâchés sur la ville
« Nous vivons dans un climat de terreur. Honnêtement les mots ne sont pas assez forts pour décrire notre situation. Nous avons des avions de combats au-dessus de nos têtes. Ils sont là dans le ciel d’Alep 24h sur 24h. Les zones d’habitations sont bombardées sans interruption. Les hélicoptères lâchent toujours des barils d’explosifs sur la ville. Les hôpitaux sont ciblés alors que nous manquons cruellement de matériel médical. Le nombre de blessés est tellement important que nous ne pouvons plus y faire face », selon ce militant de l'opposition contacté à Alep.
Et Abou el-Haythem el-Hour de regretter : « Nous manquons de nourriture et de médicaments à cause de l’état de siège. Nous sommes encerclés par les forces de Bachar el-Assad. Il y a une flambée des prix et les produits de première nécessité comme le lait pour enfants, sont rares. Si le siège dure encore plus d’une semaine, nous serons face à une catastrophe humanitaire à Alep. Il y a ici 400 000 civils qui vivent dans une ville encerclée et qui n’a reçu aucune aide depuis 15 jours. »
La clé du conflit à Moscou, selon HRW
En Syrie, une vingtaine de civils ont été tués par des bombardements ce lundi 25 juillet dans la province d’Alep, la plupart par des frappes sur des zones rebelles. Des raids aériens ont aussi frappé d’autres localités à l’ouest d’Alep, vraisemblablement par des avions russes rapporte le réseau de l’Observatoire syrien des droits de l’homme, et cinq centres de santé ce week-end. Pour Kenneth Roth, directeur exécutif de Human Rights Watch, la clé du conflit se trouve nécessairement à Moscou.
« Les dernières victimes de cette stratégie, c’est à Alep, qui est coupée depuis plusieurs semaines. C’est un siège qui est en cours sur les zones tenues par l’opposition. Et entre-temps, ce week-end, le gouvernement d’Assad bombardait à nouveau cinq établissements hospitaliers, c’est la manière typique qu’il a de combattre. Mais la clé pour arrêter ces atrocités passe par Moscou. »
« Assad est complètement dépendant du soutien militaire russe pour rester au pouvoir. Donc, Poutine peut avoir un effet de levier sur Assad. Malheureusement, le secrétaire d’Etat américain John Kerry a choisi de traiter Poutine comme un partenaire de la paix plutôt qu’un complice de crimes de masse. La seule manière de changer le comportement d’Assad est de construire au moins une pression rhétorique, de persuasion, sur Poutine, pour que chaque fois qu’Assad attaque des civils, Kerry, les Etats-Unis, l’Occident lui demandent pourquoi il permet que ces attaques continuent. C’est seulement en faisant monter la pression sur Moscou, qui est sensible à la pression de l’opinion publique, qu’on arrivera à changer Assad, qui lui en revanche a bien montré qu’il était insensible à toute pression publique. »
Ce mardi 26 juillet, une nouvelle conférence tripartite se tient à Genève avec l'envoyé spécial de l'ONU sur la Syrie Staffan de Mistura, l'émissaire américain pour la Syrie Michael Ratney et le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Guennadi Gatilov.
Le Conseil de sécurité s’alarme
Le Conseil de sécurité de l’ONU s’est alarme de la situation humanitaire en Syrie et plus particulièrement à Alep ou l’est de la ville pourrait devenir très rapidement une nouvelle zone assiégée. Les ambassadeurs, rapporte notre correspondante à New-York Marie Bourreau, ont réclamé une trêve humanitaire de 48 heures toutes les semaines pour ravitailler la ville. L’ambassadeur français est allé plus loin en demandant un cessez-le feu immédiat alors que de nouvelles installations médicales ont été bombardées ce week-end.
Cet appel risque pourtant de ne rester qu’une simple déclaration d’intention. Le Conseil de sécurité n’a pas même pas été capable de se mettre d’accord sur un communiqué commun qui endosserait l’idée de ces pauses humanitaires.
Principaux responsables, les Russes qui bloquent l’ensemble des discussions sur la Syrie. Sans les citer directement, l’ambassadeur français François Delattre a dénoncé une claire volonté du régime syrien et de ses allies d’éradiquer l’opposition.
Face aux atermoiements des Américains en pleine campagne électorale et des Européens sonnés par le Brexit et les attentats, Moscou est en position de force et bien décidé à aller au bout de sa campagne syrienne pour remettre en selle Bachar el-Assad. C’est ce qui se joue en ce moment dans l’est de la ville d’Alep ou 200 000 personnes pourraient de nouveau être assiégées par les forces loyales au président syrien, a averti le chef des opérations humanitaires de l’ONU.