Avec notre envoyée spéciale à Bagdad, Angélique Férat
Les Irakiens continuent de manifester sur fond de crise politique. Les manifestations ont commencé il y a un an pour demander des réformes et une vraie lutte contre la corruption. Mais depuis deux semaines le Parlement est bloqué. Les députés n'ont pas pu voter un projet de gouvernement dit de technocrates, un gouvernement qui supprimerait la répartition des sièges en fonction des partis politiques et des communautés.
Beaucoup de manifestants n’ont pas apprécié. Ils viennent demander sur cette place des réformes depuis des mois. Pour eux, certains députés veulent conserver leurs privilèges.
Les politiques remis en cause
Ce vendredi, les politiciens étaient largement montrés du doigt. Sur plusieurs pancartes, des messages étaient affichés, par exemple « il n’y aura pas de vraie réforme tant qu’il y aura cette formule politique ». Les manifestants sont agacés du blocage au Parlement.
Depuis 2003, les nominations dans toutes les administrations se font sur des bases communautaires. Les chiites étant la communauté dominante.
La corruption est partout en Irak. Dans toutes les institutions gouvernementales comme au ministère de l’Electricité, de la Santé, voire dans l’administration de Bagdad. Aujourd’hui, la réforme veut la fin de ce partage du pouvoir entre chiites, sunnites et kurdes. Objectifs : faire en sorte que les employés de l’Etat travaillent pour l’Irak et pas selon les intérêts de leur parti politique ou leurs communautés.
« Nous manifesterons pacifiquement, mais durablement »
Au milieu de la place Tahir de Bagdad, une dizaine de tentes sont installées depuis deux mois. « Nous manifesterons pacifiquement, mais durablement », peut-on lire sur une pancarte.
Un jeune soldat venu de Babylone, au sud de Bagdad, a couvert ses épaules du drapeau irakien. Partisan du puissant parti chiite de Moqtada al-Sadr, il se dit en colère de voir le Parlement irakien « essayer de résister aux demandes de réformes du peuple irakien ».
→ A (RE)LIRE : Irak: le parti de Moqtada al-Sadr appelle à manifester contre le gouvernement
Mohamed est rentré il y a six mois d'Allemagne où il vit depuis 15 ans. Il dénonce l'incompétence des autorités qui en 10 ans n'ont pu vraiment améliorer les égouts, la production d'électricité ou même le ramassage des ordures. Pour lui aussi ce qui tue l'Irak, c'est la corruption.
« En Europe, s'il y a de la corruption, c'est 1% ici en Irak c'est 1000%. Ici on dépense des milliards de dollars pour paver quelques kilomètres de rue. A Munich, en 2006, ils ont refait la voirie de plusieurs villages et des kilomètres de rue avec quelques millions. Ici en Irak, ça nous coûte des milliards pour une rue », s'insurge Mohamed.
Depuis le début de l'année, le parti au pouvoir sadriste, un parti religieux chiite, a rejoint les manifestants de la première heure. Puissant et populaire, il a donné un nouveau souffle au mouvement. Moqtada al-Sadr a demandé la semaine dernière l'aide des Nations unies pour imposer des réformes. Les deux autres grands partis chiites sont en effet opposés aux demandes de réformes.