Avec notre correspondante à Moscou, Muriel Pomponne
Les autorités russes ne semblent pas prêtes à envisager une désescalade. Vladimir Poutine a parlé de « trahison » de la part de la Turquie, ajoutant que la trahison était ce qu'il y avait de « pire ». Et de fait, le président de la Fédération de Russie se comporte comme quelqu'un qui a été trahi et n'arriverait pas à l'oublier.
Ainsi il s'est interrogé à plusieurs reprises devant les parlementaires : « Pourquoi ont-ils fait ça ? » Pourquoi l'ont-ils fait, alors que « nous étions prêts, a-t-il dit, à discuter de toutes nos divergences, de tous les problèmes, même les plus sensibles ; on était prêts à aller même plus loin que les alliés de la Turquie. »
Vladimir Poutine en est venu à invoquer Allah : « Il semble qu'Allah ait décidé de punir la clique au pouvoir en Turquie en la privant d'intelligence et de raison », a-t-il poursuivi. « Ils regretteront ce qu'ils ont fait », a-t-il ajouté, en menaçant la Turquie de nouvelles mesures de retorsion.
Et d'expliciter son propos : « Ils n'en seront pas quittes avec des restrictions sur la vente des tomates et des sanctions dans la construction. » Mais « nous ne brandirons pas les armes et nous n'aurons pas de réaction dangereuse pour nous et pour le monde », a-t-il promis. « Nous savons ce qu'il faut faire », a-t-il conclu. Une phrase lourde de non-dits, et longuement applaudie par les parlementaires.
■ Mises en cause personnelles
S'il insiste sur la distinction qu'il convient de faire entre le gouvernement et le peuple de Turquie, qu'il estime « bon, travailleur et talentueux », Vladimir Poutine a repris à son compte, ce jeudi, une accusation très lourde contre les dirigeants turcs, dont le président Erdogan, accusés de « s'en mettre plein les poches » en protégeant la contrebande de pétrole à laquelle se livre l'organisation Etat islamique en Syrie. « Nous n'oublierons jamais cette complicité avec les terroristes », a-t-il également dit.
La veille, des officiels russes avaient personnellement mis en cause le président turc et sa famille. Le vice-ministre de la Défense avait évoqué ce qu’il appelle « une affaire de famille », affirmant que Recep Tayyip Erdogan avait « le visage souillé de pétrole ». M. Antonov avait notamment mis en cause le gendre de M. Erdogan, Berat Albayrak, et l'un de ses fils, Bilal. Des charges auxquelles M. Erdogan a finalement répondu ce jeudi.
« La Russie est obligée de prouver ces allégations (...) celles qui impliquent ma famille sont de nature immorale », a lancé le président turc devant des syndicalistes. Et de renvoyer la balle dans l'autre camp, en accusant Moscou de jouer aussi un rôle dans ce trafic : « Nous avons des preuves. Nous allons commencer à les révéler au monde », a-t-il prévenu, citant notamment le nom de l'homme d'affaires syrien George Haswani, « titulaire d'un passeport russe ».