Depuis mercredi matin, des avions russes multiplient les raids en Syrie. Il y aurait eu des dizaines de frappes, ce jeudi matin, dans le nord-ouest du pays, sur une ville où, pourtant, on ne signale aucune présence des jihadistes du groupe Etat Islamique. Il y a en revanche des combattants se revendiquant d'al-Qaïda et d'autres rebelles.
Cible principale : un fief de rebelles alliés à al-Nosra
Jisr al-Choughour, une ville située dans le nord-ouest de la Syrie à 50 kilomètres du fief du régime de Lattaquié, est aux mains d'un groupe connu sous les nom d'« Armée de la conquête » depuis plusieurs mois. Ce groupe rebelle a revendiqué la prise de contrôle de cette ville située dans la province d’Idleb en avril dernier, infligeant au passage une sévère défaite aux forces de Damas.
Certains membres de l'Armée de la conquête (Jaish al-Fatah, en arabe) combattent sous la bannière du Front al-Nosra, branche syrienne d’al-Qaïda. D'autres se revendiquent d'Ahrar al-Sham, d'obédience salafiste, mais qui se veut plus modéré. L'alliance de l'Armée de la conquête est à la fois opposée à Bachar el-Assad et à l’organisation Etat islamique. Ils représentent une menace très sérieuse pour le régime de Bachar el-Assad, et pour son allié russe, qui a déployé hommes et matériels à l'aéroport de Lattaquié, tout proche. Tout récemment, début septembre, des combattants se revendiquant du Front al-Nosra ont ainsi pris le contrôle d'une base aérienne, au terme de deux ans de siège, actant ainsi leur prise de contrôle sur la province d'Idleb.
Vers une opération au sol ?
Pas moins de trente frappes aériennes russes ont visé cette alliance rebelle, ce jeudi 1er octobre dans la matinée. Les avions russes ont mené des raids ciblés dans plusieurs autres provinces, notamment Hama. Ces frappes sont menées depuis mercredi, en coordination avec l’armée syrienne loyaliste.
A Damas, l’heure de la revanche semble donc avoir sonné. Après des années de déroute, de défaites cuisantes sur le terrain, les responsables se réjouissent désormais et annoncent « un grand changement » dans le cours du conflit syrien. Désormais, l'armée fidèle au régime avance et peut compter sur un allié de taille. L’aviation russe est puissante, et elle dispose de matériels de surveillance de pointe.
Par ailleurs, selon des sources au sein des forces de sécurité libanaises, citées par l'agence Reuters, une opération au sol de grande ampleur serait imminente, et impliquerait les alliés étrangers de Bachar el-Assad, qui combattent actuellement aux côtés de l'armée loyale à Damas.
Les frappes ont visé des groupes « armés et entraînés par la CIA »
Le Pentagone, comme la diplomatie française, émet des doutes sur les cibles visées. Mais pour l’instant, aucun porte-parole officiel ne veut confirmer ou infirmer que les frappes russes visent l'opposition à Bachar el-Assad, et non les jihadistes de l'Etat islamique. « Je reste prudent, mais il semble qu'ils [ les Russes] ont bombardé des zones ou les terroristes de l'Etat islamique n'étaient vraisemblablement pas présents, et c'est bien le problème de leur stratégie », a déclaré Ashton Carter, secrétaire américain à la Défense.
Pour lui, « l'une des raisons pour lesquelles la position russe est contradictoire, est qu'ils ont vraisemblablement frappé des cibles où les terroristes de l'Etat islamique ne sont pas présents, alors que d'autres sont présents ». Une stratégie qui, selon Ashton Carter, « risque inévitablement d'envenimer la guerre civile en Syrie ».
Le sénateur américain John McCain, lui, se fait plus explicite. « Je peux absolument confirmer que ces frappes visaient l'Armée syrienne libre ou des groupes qui ont été armés et entraînés par la CIA », a-t-il affirmé sur CNN