Les frappes françaises en Syrie contre le groupe EI en trois questions

La France a mené ce dimanche ses premières frappes contre le groupe Etat islamique en Syrie. Ces frappes ont visé un camp de jihadistes près de Deir Ezzor, dans l'est du pays, un camp qui « a été en totalité détruit », a affirmé François Hollande lors d'une conférence de presse à New York, où s'ouvre ce lundi l'Assemblée générale de l'ONU.

  • Les frappes françaises sont-elles vraiment de la légitime défense ?

Dans son intervention depuis le siège des Nations unies, François Hollande a souligné que les premières frappes françaises contre l’organisation Etat islamique en Syrie avaient été menées au nom de la légitime défense. « Officiellement, ce qui permet à la France de rendre ces frappes légales du point de vue du droit international, c’est de dire qu’elles sont menées au nom de la légitime défense, explique David Thomson, journaliste à RFI et spécialiste du jihadisme français. Sous-entendu : ce sont des intérêts français qui sont menacés par des gens du groupe Etat islamique parce que des attentats sont fomentés dans cette région contre la France. » L’argument avait déjà été employé par le Royaume-Uni pour utiliser ses drones contre des ressortissants britanniques en Syrie.

« Il est exact que beaucoup de Français ont combattu et combattent toujours dans la région de Deir Ezzor », confirme David Thomson. La région abrite plusieurs centres d’entraînement de l’organisation Etat islamique. L’un d’entre eux, dont un responsable était lui-même de nationalité française, a été particulièrement fréquenté par les jihadistes français. « Des Français sont également présents dans d’autres régions du nord de la Syrie, évidemment à Raqqa, mais aussi au sud d’Assaka, dans la ville de Chaddadi. Ce sont sans doute des endroits qui vont être visés dans les prochaines semaines parce qu’il y a une forte concentration de Français du groupe Etat islamique et on sait qu’ils ont pour ordre, c’est officiel, de revenir et de réaliser des attentats en France ou d’inciter des attentats en France. Donc cet argument se tient ».

  • Cette attaque menée contre l'organisation Etat islamique fait-elle de Paris un allié objectif de Damas ?

Depuis plus de quatre ans, la France, maintenant par la voix de François Hollande et du ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, appelle régulièrement au départ du président syrien Bachar el-Assad. Pour David Thomson, ces frappes rendent désormais la situation paradoxale. « Ces frappes font de la France un allié indirect du régime syrien puisqu’aujourd’hui, à Deir Ezzor et dans sa région, il n’y a que deux acteurs : le groupe Etat islamique qui assiège un réduit dans lequel se sont réfugiés depuis un an un millier de soldats syriens qui sont ravitaillés de nuit par hélicoptères. Donc, de fait, comme il n’y a que ces deux acteurs, attaquer l’organisation Etat islamique revient à faire de la France l’allié du régime de Bachar el-Assad », considère-t-il.

  • Ces frappes peuvent-elles avoir un réel impact sur le terrain ?

Si la France entend envoyer un message fort, ces frappes ne seront efficaces que si Paris coopère avec la Syrie et ses alliés, estime François Géré, expert à l’Institut français d’analyse stratégique. « On a affaire un ennemi qui a pris l’habitude de se dissimuler. Les centres de commandement et d’opération vont être disséminés au milieu de la population, de manière à rendre les bombardements aériens extrêmement difficiles », affirme-t-il.

« Si on veut avoir le minimum d’efficacité et si on considère véritablement et sincèrement que la cible numéro un est Daech, il faudra bien passer d’une manière ou d’une autre par une coopération avec le gouvernement d’Assad, même si ce n’est pas Assad en personne, avec les Russes et avec les Iraniens », analyse François Géré.

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