Irak: le pouvoir tente de répondre à la mobilisation anticorruption

L'Irak connaît depuis plusieurs jours un mouvement de contestation contre la corruption et la mauvaise gouvernance. Face à cela, le gouvernement a annoncé une série de réformes.

Des manifestations ont eu lieu ces derniers jours à Bagdad et dans d’autres villes d’Irak. Ce sont les coupures d’électricité à répétition qui ont cristallisé la colère d’une partie de la population. Des coupures de courant qui rendent insupportables les températures très élevées de l’été irakien, avec parfois plus de 50°C.

Mais au-delà du thermomètre et de l’alimentation électrique des climatiseurs, c’est l’ensemble des dysfonctionnements des services publics qui a été critiqué par les manifestants. Selon le politologue irakien Hamid Nasser, les slogans entendus ces derniers jours dans les rues du pays dénonçaient pêle-mêle « le manque d’infrastructures électriques, la corruption sans précédent depuis la chute du régime de Saddam Hussein en 2003, l’absence de réformes, la négligence de la classe politique à l’égard du peuple irakien et le confessionnalisme que l’on appelle ici ’consensus national’ ».

Dans la foulée, la pression s’est accentuée sur les autorités lorsque la plus haute autorité religieuse d’Irak s’est emparée du sujet : l’ayatollah Ali Sistani, le principal chef religieux chiite, a appelé le gouvernement à être « plus courageux dans ses réformes ». Un message qu’il faut interpréter « comme un encouragement adressé à Haïder al-Abadi pour qu’il lutte efficacement contre la corruption », selon le politologue Hamid Nasser.

Réformes annoncées

Le gouvernement irakien dirigé par Haïder al-Abadi a donc annoncé une série de mesures destinées à répondre à cette vague de mécontentement : suppression des trois postes de vice Premier ministre et des trois postes de vice-président (l’un d’entre eux étant occupé par Nouri al-Maliki, prédécesseur de Haïder al-Abadi au poste de Premier ministre), suppressions des quotas confessionnels en vigueur pour l’attribution de certains postes, réduction immédiate et globale du nombre de gardes du corps affectés à la protection des dirigeants, suppression de fonds spéciaux qui étaient accordés à de hauts responsables irakiens, renforcement des autorités anticorruption… Ces mesures doivent encore être approuvées par le Parlement irakien, elles seront débattues par les députés dans les tout prochains jours. Les discussions s’annoncent houleuses puisque le président du Parlement de Bagdad a demandé, ce lundi, la « démission des ministres corrompus », sans citer de noms.

C’est donc un moment délicat pour le Premier ministre Haïder al-Abadi qui a succédé voilà près d’un an à Nouri al-maliki, critiqué pour sa gestion défaillante et confessionnelle du pays. Haïder al-Abadi n’a visiblement pas réussi à mettre fin à la corruption et au clientélisme, qui sont des dérives du système de répartition confessionnelle du pouvoir entre chiites, sunnites et Kurdes. Pour le politologue Hamid Nasser, ce système génère des « quotas qui alimentent la corruption ». C’est pour tenter de rompre avec ces pratiques que l’une des mesures annoncées prévoit précisément la fin des quotas confessionnels que le gouvernement souhaite remplacer « par des nominations en fonction des compétences ».

Malgré la longue liste des réformes envisagées, « les manifestants sont conscients que le Premier ministre ne peut pas grand-chose avec ce système de consensus national, c'est-à-dire confessionnel. Il est bloqué », analyse le politologue Hamid Nasser.
 

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