Yémen: le système de santé au bord de l'effondrement

Au Yémen, les forces loyalistes marquent des points face aux rebelles houthis venus du nord. A l'issue d'une offensive fulgurante, les troupes loyalistes appuyées par la coalition formée par l'Arabie saoudite se sont emparées d'une base militaire située sur la route menant d'Aden à la ville de Taez. Le Yémen est en proie à un conflit meurtrier : depuis le mois de mars, plus de 4000 personnes ont été tuées selon l'ONU. Aux victimes directes de la guerre s'ajoutent de nombreuses victimes indirectes. Les civils ont en effet de plus en plus de difficultés pour accéder aux soins, en raison de l'effondrement du système de santé yéménite.

Plus de quatre mois après le début de l’intervention saoudienne au Yémen, la population est prise en étau entre les rebelles houthis venus du Nord et les forces loyalistes soutenues par l'Arabie saoudite. Entre les bombardements de la coalition, les combats au sol et les affrontements de rue, le nombre de victimes grandit de jour en jour.

Thierry Goffeau, est membre de l'ONG Médecins sans frontières, il revient tout juste d'une mission de deux mois à Aden, la grande ville du Sud. « Il n’y a pas eu une seule journée de répit. C’était constamment matin et soir des bombardements, des combats, des blessés, du sang, des cris, des pleurs. Ce qui reste le plus dangereux ce sont les balles perdues. Des armes partout, qui sont manipulées par des enfants. Tous les checks-points, ce sont des enfants de dix, douze ans… Qui utilisent leurs « jouets », qui tirent en l’air quand ils sont contents, quand ils ne sont pas contents. Et donc on reçoit des blessés par balles perdues, et nous-mêmes, l’hôpital est fréquemment touché par ces balles. »

Médecins sans frontières gère une dizaine d'hôpitaux dans tout le pays, et l’ONG a dû faire face au cours de ces derniers mois à un afflux sans précédent de blessés. Thierry Goffeau, qui a l'expérience de ces situations de conflits, confie ne jamais avoir vu un tel niveau de violence.

Certains jours, l'hôpital géré par MSF dans la ville d'Aden, a dû recevoir en quelques heures plusieurs centaines de blessés. Les équipes médicales n'ont ni les moyens humains ni les moyens matériels d'accueillir tous les blessés, et doivent parfois faire des choix très difficiles, sans compter les pénuries, de médicaments, et de fuel.

Difficultés d'accès aux soins

Avant même le début du conflit le système de santé yéménite était déficient. La guerre a eu des conséquences terribles sur les hôpitaux, entre les destructions et la fuite des personnels de santé, dont un grand nombre étaient étrangers au Yémen. Et à tout cela s'ajoutent les difficultés de déplacement. La population civile n'a pas toujours la possibilité d'accéder aux soins en raison des combats, des bombardements ou des check-points qu'il est parfois impossible de franchir.

Xavier Guinotte, directeur-adjoint des opérations de Médecins sans frontières souligne les conséquences dramatiques de cette situation pour les civils. « Nous, on a eu des cas de femmes enceintes qui décédaient, faute de soins. De gens qui ont besoin d’avoir leurs médicaments de tous les jours, parce qu’il y a des pathologies du même ordre que celles qu’on peut connaître chez nous : hypertension artérielle, diabète… Si vous n’avez pas les produits pour faire les dialyses et bien, à terme, les gens vont décéder. »

Le directeur-adjoint des opérations de l'ONG se dit alarmé par l'ampleur du défi. « On arrive, nous, à essayer d’approvisionner ce qu’on peut, mais un acteur comme MSF à lui tout seul ne peut pas prendre en charge l’ensemble d’un système de santé qui est au bord de l’écroulement et dans certains endroits absolument plus fonctionnel. »

Malgré la fin des combats dans la ville d'Aden, l’ONG Médecins sans frontières s'inquiète de la poursuite du conflit dans le reste du pays. Le front s'est déplacé vers le nord, et les bombardements de la coalition arabe continuent. Quant à l'espoir d'un cessez-le-feu, il reste extrêmement mince : toutes les tentatives de trêve à caractère humanitaire ont jusqu'à présent lamentablement échoué.

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