Avec notre envoyée spéciale à Tikrit, Angélique Férat
Sous un soleil de plomb, des hommes et des femmes attendent. Pour rentrer dans leur ville, ils doivent se soumettre à un contrôle des voitures et des identités. Certains ont été arrêtés car ils étaient recherchés. « La situation est bonne, l'armée nous aide, tout va bien, assure Raed, arrivé à Tikrit il y a trois jours. Et vous savez, c'est mieux d'être chez soi, les loyers étaient chers à Kirkouk. »
Les rues sont vides, et les bâtiments officiels sont presque tous brûlés ou endommagés. Même si la plupart des maisons sont encore debout, la ville est encombrée de débris et ponctuée d'impacts de mortiers. Beaucoup de magasins ont été brûlés. Mais Fawaz, un réparateur de climatiseurs, a déjà nettoyé son magasin. « Ça va, il y a de l'électricité, ça fonctionne, commente-t-il. J'espère que les gens vont rentrer et que je vais pouvoir retravailler. Il faut juste que les services s'améliorent. Pour l'instant, on nettoie tout seul, j'ai reconnecté l'électricité tout seul. C'est le seul problème. »
Manque d'électricité
La municipalité a rappelé ses ouvriers, qui commencent à nettoyer les rues. Le maire de Tikrit, Omar al-Chandar, admet que le problème principal, ce sont les services. « Pour l'eau, 80 % de la ville est couverte mais l'électricité est un problème. Avant l'invasion de Tikrit par l'Etat islamique, on recevait de l'électricité de Baïji, Kirkouk, Samarra et Bagdad. Avec les combats au nord et à l'est de notre ville, deux sources sont coupées, et donc on ne reçoit de l'électricité que de Bagdad, ce qui ne couvre que 30 % des besoins de la ville. »
Avec les chaleurs caniculaires de l'été irakien, ce manque d'énergie est un problème, notamment pour faire fonctionner les climatisations. Autre problème : les réseaux d'eau et d'électricité ont été endommagés. Les forces irakiennes distribuent de la nourriture. Elles vont aussi dans les camps installés dans les villes voisines pour inciter la population à rentrer, en disant que tout est sûr. Les fonctionnaires sont appelés à revenir. Le tout a des allures d'opération de communication pour les forces militaires qui ont été accusées de violences et de crimes de guerre.
C'est peut-être aussi un message pour la population civile d'al-Anbar. Plus de 200 000 personnes ont fui les villes de leur gouvernorat avant l'offensive sur Falloujah et Ramadi. Quelque 180 000 personnes habitaient Tikrit avant sa prise de contrôle par les jihadistes. Certains ne rentreront pas, car ils se savent recherchés. D'autres n'ont tout simplement pas confiance. La mobilisation populaire et l'armée irakienne sont composées principalement de combattants musulmans chiites. Tikrit est une ville sunnite. Le bastion de l'ancien raïs Saddam Hussein.