Il était le cauchemar de Washington. Les traits fins, le teint mat, âgé d’environ 37 ans, Nasser al-Wahishi était le chef d'al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa). Ce Yéménite a grandi dans les montagnes de la province d'Abyane, dans le sud du pays. En 1998, après avoir fini ses études il part pour l'Afghanistan où il s'entraîne dans le camp al-Farouk, près de la ville de Khost. C'est là qu'il devient l’un des proches de ben Laden dont il gère une partie des finances et des propriétés. En 2002, après l’intervention américaine et la bataille de Tora Bora, Nasser al-Wahishi fuit l'Afghanistan pour se rendre en Iran. Il y est arrêté l’année suivante et extradé vers le Yémen.
Emprisonné sans chef d'inculpation, il parvient à s'évader une première fois de façon spectaculaire avec 22 de ses codétenus en février 2006. Les prisonniers étaient parvenus à creuser un tunnel de 44 mètres relié à une mosquée. Cette évasion redonne un élan spectaculaire à al-Qaïda au Yémen après plusieurs revers, notamment la mort en 2002 de son chef, Qad Salim Sinan al-Harithi, lui aussi tué par un drone américain. Ce dernier était soupçonné d'être derrière l'attaque de l'USS Cole dans le port d'Aden (sud) en 2000, dans laquelle 17 marins américains avaient trouvé la mort.
Revendique l’attentat contre Charlie Hebdo
En 2007, Nasser al-Wahishi devient alors le chef d'Al-Qaïda au Yémen, puis en 2009 celui d’Aqpa, après que d'anciens membres d'al-Qaïda en Arabie saoudite l’ont rejoint. Un ancien détenu de Guantanamo, Saïd al-Chehri, devient son bras droit. Il sera tué dans une attaque de drone.
A la mort de ben Laden, abattu par un commando américain en mai 2011 au Pakistan, Nasser al-Wahishi met en garde les Etats-Unis, affirmant que « le problème » ne sera pas réglé avec la mort du chef d'Al-Qaïda. Il revendique ainsi plusieurs attaques à l’étranger, dont celle qui a décimé en janvier la rédaction du journal français Charlie Hebdo. Les Etats-Unis considèrent alors son groupe comme la branche la plus dangereuse du réseau jihadiste. En 2014, ils promettent une récompense de 45 millions de dollars pour la capture de huit dirigeants d'Aqpa, dont Nasser al-Wahishi. Des membres d'Aqpa sont régulièrement tués par des tirs de drones au Yémen, vraisemblablement dans des raids menés par les Etats-Unis, le seul pays à disposer de ces aéronefs sans pilote dans la région.
Mais Aqpa n'est que l'une des composantes du réseau al-Qaïda, qui a essaimé à travers le monde depuis sa création par Oussama ben Laden : en Somalie (les shebabs), en Syrie (les rebelles du Front al-Nosra), au Maghreb (al-Qaïda au Maghreb islamique ou Aqmi) et en Asie (al-Qaïda sur le sous-continent indien, lancé en septembre dernier).
S’emparer du Yémen
Surtout présent dans le sud et le sud-est du Yémen, Aqpa a profité de l'affaiblissement du pouvoir central en 2011, à la faveur de l'insurrection populaire contre l'ex-président Ali Abdallah Saleh, pour renforcer son emprise dans le pays. Aujourd’hui, l’organisation aimerait mettre la main sur le pays. Mais elle bute surtout sur la résistance des Houthis. Ces Yéménites chiites que l'on qualifie de rebelles sont les seuls à faire le coup de feu contre al-Qaïda dans la région, raison pour laquelle les Etats-Unis n'ont jamais eu rien à redire contre eux jusqu'à ce que l'Arabie saoudite s'en fasse un ennemi.
Si la mort du chef d’Aqpa est une victoire, celle-ci n’a été que de courte durée. Aussitôt, l’organisation a nommé un nouveau chef. Le cauchemar continue et s'appelle à présent Qassem al-Rimi. Il continue aussi pour les Yéménites. Alors que l'Arabie saoudite bombarde les positions houthis, elle ne lance aucun raid sur al-Qaïda au Yémen.