Yémen : l'ex-président demande à ses alliés houthis de se replier

C'est peut-être un tournant dans la guerre civile qui déchire le Yémen. L'ancien président, Ali Abdallah Saleh, a demandé à ses alliés, les milices houthis qui combattent en son nom, de se retirer des territoires conquis. Une annonce qui intervient alors que les combats ont fait au moins un millier de morts, dont 115 enfants, depuis le début de l’opération militaire « Tempête décisive » menée par l’Arabie saoudite et une coalition de pays arabes au Yémen.

Vendredi, l’ancien président yéménite, Ali Abdallah Saleh, a lancé un appel à ses partisans, les milices houthis, à « accepter et appliquer la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU pour pouvoir obtenir l'arrêt de l'agression des forces de la coalition ». Il leur demande de se retirer des territoires gagnés ces derniers mois sur l’armée loyale au président Abd Rabbo Mansour Hadi, actuellement réfugié en Arabie saoudite. L’ancien président yéménite affirme également être favorable à une reprise des discussions en vue d’une « réconciliation », selon un communiqué lu sur la chaîne de télévision Yemen al Yawm.

L'ancien président yéménite est-il en train de lâcher la rébellion avec laquelle il s'était allié pour déstabiliser son successeur, le président Hadi ? Pour Franck Mermier, directeur de recherches au CNRS et spécialiste du Yémen, il semble bien effectivement qu'Ali Abdallah Saelh soit en train de préparer sa sortie. « Depuis quelques semaines et notamment depuis le début de l’intervention de la coalition arabe au Yémen, dans son parti, le Congrès populaire général, il y a des déclarations disant que les membres de son parti qui ne le suivent plus, acceptent la résolution des Nations unies concernant le Yémen. C'est-à-dire un cessez-le-feu, le retour du dialogue politique et surtout le retour du président légitime, le président Hadi ». Autre élément à pointer selon Franck Mermier , « ce sont les sanctions décidées par le Conseil de sécurité des Nations Unies contre les Houthis mais aussi contre Saleh, notamment le gel de ses avoirs » car Saleh possède une fortune immense à l’étranger. « Donc face à toutes ces menaces, effectivement Saleh semble vouloir lâcher du lest » conclut le chercheur.

Un revers militaire pour les Houthis

Ce revirement de l'ancien président yéménite pourrait avoir des conséquences très lourdes sur le terrain car les unités de l'armée qui lui sont restées fidèles ont joué un rôle très important dans l'offensive lancée par les rebelles houthis. « Pour eux, ça va être une grande perte au niveau militaire puisque les forces qui sont restées fidèles à l’ex-président Saleh sont extrêmement importantes. Elles sont en plus les plus combattives de l’armée yéménite, poursuit Franck Mermier. Elles sont notamment constituées par la Garde républicaine qui était sous le contrôle de son fils Ahmed, c’est véritablement des unités offensives bien pourvues en équipement, des unités d’élite en fait. Ce retrait militaire possible des forces encore fidèles à Saleh serait effectivement pour les Houthis un coup très dur. Les Houthis peuvent compter certes sur le recrutement de nombreuses milices qui viennent des régions nord mais dans le même temps, sans l’appui militaire de l’armée restée fidèle à Saleh, ils n’auraient pas pu avancer aussi loin dans le Sud, puisque les forces militaires de Saleh ont été notamment positionnées dans le Sud. C’est ce qui leur a permis finalement d’entrer dans Aden. Ce serait évidemment un revers très dur pour les Houthis. »

Sur le terrain, les combats continuent

Vendredi, la coalition de pays arabes emmenée par l’Arabie saoudite a de nouveau mené des raids aériens contre des positions tenues par des partisans de l’ancien président yéménite Ali Abdallah Saleh. Les milices houthis et leurs alliés, notamment des éléments de l’armée restés fidèles à l’ancien président, ont notamment été ciblées hier dans le sud-ouest du pays, près de Taëz, ainsi qu’à Aden. Des raids organisés trois jours après l’annonce par l’Arabie saoudite d’une nouvelle phase de son opération militaire, affirmant mettre fin aux bombardements massifs et vouloir favoriser un règlement politique à la crise qui déchire le Yémen depuis le 19 mars dernier.

« 115 enfants tués et 172 enfants mutilés »

Selon un bilan dressé jeudi 23 avril par l’Organisation mondiale de la santé, 1080 personnes ont été tuées et 4 352 blessés depuis le 19 mars. Et « les enfants ne sont pas épargnés » par l’escalade de la violence au Yémen, s’inquiète l’Unicef. Les chiffres livrés vendredi 24 avril sont « très alarmants ».

Christophe Boulierac, porte-parole de l’Unicef, les détaille au micro de RFI : « Entre le 26 mars et le 20 avril dernier, nous savons qu’il y a eu au moins 115 enfants tués et 172 enfants mutilés. Ils ne l’ont pas tous été du fait des bombardements. Il y a aussi ceux qui ont été tués par des munitions non explosées, des mines, par des coups de feu, et d’autres causes encore, liées au conflit. »

Et la situation est grave sur toute l’étendue du territoire de pays déchiré par une guerre civile. « Aussi bien au nord, vers Sanaa, que dans les combats de rue dans la région d’Aden, les enfants payent un prix trop fort. C’est absolument inacceptable. Toutes les parties au Yémen ont l’obligation de protéger les droits des enfants et de faire en sorte qu’ils ne soient pas exposés à de la violence », plaide Christophe Boulierac.

Dans un communiqué mis en ligne ce vendredi, l’Unicef détaille une macabre liste des causes de la mort de ces enfants. En moins d’un mois, 72 enfants ont été tués dans le nord du pays, 44 dans le sud. Parmi eux, au moins 64 ont été tués par les bombardements aériens et 26 ont été victimes de mines ou d’engins explosifs.

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