La lutte contre EI au centre des discussions entre Obama et al-Abadi

Il a pris la succession du très contesté Nouri al-Maliki en août dernier à Bagdad : le nouveau Premier ministre irakien Haïdar al-Abadi était reçu ce mardi à Washington par Barack Obama, quelques semaines après la reconquête de Tirkit. L’occasion pour le chef du gouvernement irakien de réclamer un soutien militaire accru face à l’organisation Etat islamique. Haïdar al-Abadi veut porter le fer dans la province d’al-Anbar, mais il aura besoin pour cela d’obtenir le soutien des tribus sunnites.

Tout le monde avait présenté la bataille de Tikrit comme une première étape vers la ville de Mossoul – deuxième ville du pays tombée en juin 2014 aux mains de l’organisation Etat islamique. Finalement, c’est vers la province d’al-Anbar que les forces irakiennes vont se tourner, en priorité, pour regagner le terrain perdu face à leur adversaire.

« C’est l’une des régions qui apporte le plus de soutien à l’EI, décrypte Mario Abou Zeid, chercheur au Centre Carnegie pour le Moyen-Orient, à Beyrouth. C’est une région sunnite majeure, et il serait très compliqué de s’emparer directement de Mossoul sans vaincre au préalable à Al-Anbar » .

La province d’al-Anbar n’est pas seulement un objectif stratégique majeur. Elle revêt également une importance politique et symbolique de premier ordre. C’est là en effet qu’avait débuté en 2013 la contestation sunnite du pouvoir chiite incarné par Nouri al-Maliki, creuset de la montée en puissance de l’EI. Et c’est là, début 2014, que celle-ci a remporté ses premières victoires face à l’armée irakienne (prise de Falloujah, conquête partielle de Ramadi).

La situation paradoxale du Premier ministre irakien

Or, pour espérer l’emporter dans ces bastions sunnites, les forces irakiennes auront besoin du soutien des chefs de tribus qui s’étaient retournés contre al-Qaida dans les années 2006-2008. « Pour s’assurer de leur soutien, al-Abadi veut leur donner des gages sur la réintégration des sunnites au sein du pouvoir politique, explique Mario Abou Zeid. Il doit aussi leur donner des garanties militaires et économiques pour les protéger de l’influence de l’EI. »

Pour parvenir à ses fins, et pour rallier à sa cause les chefs de tribus sunnites, Haidar al-Abadi se heurte à un obstacle majeur : la crainte et parfois la terreur suscitées par les milices chiites qui soutiennent l’armée irakienne face aux combattants de l’EI. Et, de ce point de vue, les évènements qui ont suivi la prise de Tikrit n’ont rien fait pour rassurer les interlocuteurs sunnites du gouvernement irakien. Outre les pillages et les incendies, deux cas d’exécutions sommaires ont été rapportés par des médias occidentaux.

Haidar al-Abadi a tenté de minimiser l’ampleur de ces exactions, a ordonné l’arrestation des pillards et le retrait des miliciens de la ville. Mais ces mesures ne suffiront vraisemblablement pas à rassurer les sunnites irakiens. C'est tout le paradoxe de la situation dans laquelle se trouve aujourd’hui le Premier ministre irakien : d'un côté il a besoin des milices chiites pour mener la bataille contre l'Etat islamique, mais de l'autre ces miliciens ruinent tous ces efforts pour obtenir le soutien des tribus et de la population sunnites.

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