Avec notre correspondant à Téhéran, Siavosh Ghazi
Le président Erdogan avait critiqué le soutien de l’Iran aux rebelles houthis au Yémen et dénoncé sa volonté de domination dans la région. « L'Iran déploie des efforts pour dominer la région », déclarait fin mars le président Erdogan, en ajoutant que Téhéran devait retirer ses forces du Yémen, de la Syrie et de l'Irak. Le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, avait alors sèchemment répondu à ces déclarations en accusant la Turquie d’alimenter l’instabilité au Proche-Orient. Le chargé d’affaires turc a même été « invité » au ministère des Affaires étrangères.
L’Iran reconnaît avoir des conseillers militaires en Syrie et en Irak, mais dément toute présence au Yémen. Téhéran accuse en revanche la Turquie d’aider les rebelles syriens et d’avoir favorisé l’émergence des jihadistes de l’organisation Etat islamique et du Front al-Nosra, lié à al-Qaïda. L’Iran a également condamné les frappes de la coalition menée par l’Arabie saoudite contre le Yémen alors que la Turquie a apporté son soutien.
Divergences géopolitique, entente cordiale économique
« On ne peut pas parler ni d’alliance, ni vraiment de compétition, commente Dorothée Schmid de l’IFRI, l'Institut français des relations internationales. L’alliance, on peut d’autant moins en parler que l’on sait qu’il y a eu très récemment des tensions assez fortes entre les deux Etats à propos du soutien affiché de la Turquie à l’intervention saoudienne au Yémen. En représailles à ce soutien qui a été très tôt affiché par les Turcs, on sent que les objectifs de politique étrangère étaient vraiment entrés en contradiction, c’était déjà le cas sur la crise syrienne. »
Malgré ces divergences, l’Iran et la Turquie veulent renforcer leurs relations commerciales et économiques. L’objectif déclaré est de faire plus que doubler ces échanges pour atteindre le chiffre de 30 milliards de dollars cette année. Téhéran voudrait aussi augmenter ses ventes de gaz à la Turquie et exporter du gaz vers l’Europe via la Turquie une fois que les sanctions internationales seront levées après un accord sur le nucléaire fin juin.
Si l'on ne peut parler d'entente parfaite sur le plan économique, on peut cependant évoquer une « convergence d’intérêts qui est absolument évidente et qui a survécu à toutes les dissertions politiques jusqu’à présent », estime Dorothée Schmid. Pour la chercheuse française, « l’Iran et la Turquie ont des économies complémentaires, en ce sens où l’Iran peut exporter à la fois de l’énergie vers la Turquie et aussi des produits agricoles. La Turquie qui a une économie qui est très largement tournée vers l’export de biens de consommation, mais aussi de biens intermédiaires, trouvent dans l’Iran un marché naturel à la fois parce que c’est un pays voisin et parce que, aussi, c’est un pays où le commerce a été contraint par les sanctions pendant très longtemps. »