Le Yémen, prémice à la création d'une force militaire régionale?

Le sommet arabe de Charm al Cheikh poursuivra ses travaux ce dimanche 29 mars, avant d’adopter une série de résolution concernant « Les défis auxquels fait face la sécurité nationale arabe ». La principale résolution devrait concerner la création d’une force arabe de défense commune.

Avec nos correspondants au caire et à Riyad, Clarence Rodriguez et Alexandre Buccianti

L’opération « Tempête décisive » menée par l’Arabie saoudite et à laquelle neuf pays arabes sont associés, pourrait bien servir de test pratique à la prochaine force militaire régionale que veulent mettre en place les pays arabes. Une force d’intervention rapide dont l’objectif est de combattre les terroristes.

Au premier abord il ne devrait pas y avoir de problèmes à adopter la résolution sur la force de défense commune. Toutefois des détails restent à régler sur l’usage qui sera fait de cette force. Un différend oppose déjà le Qatar et l’Egypte. Doha est opposée à l’usage de la force en Libye, alors que l’Egypte y est favorable.

Formulations des résolutions

Une divergence existe aussi sur la réforme du discours religieux réclamée par l’Egypte pour combattre l’extrémisme islamiste et le conservatisme wahhabite d’un pays comme l’Arabie saoudite. Une Arabie qui du fait de sa puissance et de sa richesse semble avoir neutralisé toute concurrence politique de la part du Qatar et de l’Egypte.

Il sera donc intéressant de voir les formulations des résolutions qui seront adoptées et quel sera l’ennemi prioritaire: l’Iran et l’expansion chiite ou les dangers que fait peser le groupe Etat islamique. Une organisation qui a apporté son soutien aux raids de l’alliance conduite par l’Arabie Saoudite contre les rebelles houthis chiites au Yémen.

De fait, même si les combattants du groupe Etat islamique (EI) constituent une crainte très sèrieuse pour Riyad, la priorité des priorités, pour le royaume saoudien, demeure les rebelles houthis soutenus par l’Iran chiite au Yémen. L’Arabie saoudite veut coûte que coûte garder la suprématie du sunnisme dans la région. Autrement dit, pas question pour Riyad de se laisser impressionner par des tentatives de conquêtes de Téhéran qui essaie par tous les moyens d’étendre sa toile confessionnelle dans la région. Comme il l’a du reste déjà fait en Irak, au sud du Liban, et en Syrie.

Un message clair de l'Arabie saoudite

Cette guerre d'influence entre l'Iran chiite et l'Arabie saoudite sunnite est aussi un message indirectement adressé aux combattants de l’organisation EI. Pas question là non plus pour les Saoudiens de laisser en pâture un pays exsangue, tombé entre les mains du groupe terroriste. Le double attentat sanglant du 20 mars dernier dans une mosquée de Sanaa prouve à quel point l’organisation est prête à tout pour conquérir le Yémen, au détriment, faut-il le rappeler d’al-Qaïda dans la péninsule arabique.

Si des diplomates du Golfe estiment que cette intervention aérienne au Yémen pourrait durer jusqu’à 6 mois, une chose est claire pour l’Arabie saoudite. Déterminée, elle se battra jusqu’au bout face à l’Iran chiite et à l’organisation EI, pour défendre la terre d’un islam sunnite. Et cela passe inéluctablement par la défense du Yémen, en proie au chaos total. Compte tenu de la situation, le président Hadi a décidé de séjourner à Riyad.


Abdel Fattah al-Sissi: une force commune nécessaire pour « l'identité arabe »

Lors du sommet de la Ligue arabe, à Charm el-Cheikh, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a poussé les nations arabes à mettre en place cette force multinationale arabe.

Il a clairement fait référence, lui aussi, aux attaques perpétrées par l'organisation de l'Etat Islamique, et aux miliciens houthis au Yémen, qui constituent une menace sans précédent pour l'identité arabe. « Cette nation arabe n’a jamais senti un tel défi à son existence et une telle menace à son identité arabe comme elle y est aujourd’hui confrontée, même au pire moment de son histoire. Cette agression vise à briser les liens entre les Etats arabes et leurs peuples, à démanteler les tissus sociaux à l’intérieur de ces pays, à diviser ses citoyens en cherchant à récupérer les uns et à marginaliser les autres, sur des bases religieuses, communautaire et ethnique.»

Une menace, selon le président égyptien, qui légitime ainsi la création d'une telle force. « Cette situation pousse quelques uns à s’ingérer dans les affaires intérieures de certains pays arabes, pour embrigader une partie de sa population de façon à ce que cela constitue une menace à notre sécurité nationale. À tel point que nous ne pouvons pas ignorer les conséquences sur l’identité arabe et l’entité de la nation. Nous avons besoin d’une profonde réflexion et de confiance entre nous pour nous préparer à faire face à cette situation, à travers la création d’une force commune, sans toutefois porter atteinte à la souveraineté et à l’indépendance de quelque pays arabe que ce soit. »

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