Sissi, l’incontournable président égyptien

Le président égyptien entame ce lundi 24 novembre 2014 sa première tournée européenne depuis son élection en juin dernier. Première étape en Italie puis en France où il doit rencontrer notamment François Hollande, le président français. Plus d’un an après l’éviction de son prédécesseur, Mohammed Morsi, Abdel Fattah al-Sissi espère conforter sa position à l'international malgré un bilan très critiqué en matière de respect des droits de l'homme.

C’est l’un des objectifs majeurs du président égyptien depuis juillet 2013 et la chute de son prédécesseur, Mohammed Morsi : obtenir la reconnaissance et le soutien des pays occidentaux, malgré les conditions contestées de son arrivée au pouvoir, et malgré la répression terrible exercée depuis sur les Frères musulmans et sur l’opposition laïque issue du printemps arabe. Pour y parvenir, Abdel Fattah al-Sissi peut se prévaloir du plébiscite obtenu dans les urnes, en juin dernier, et le respect dans ses grandes lignes de la « feuille de route » issue de la journée de mobilisation du 30 juin 2013. Mais il pourra surtout profiter du contexte international de lutte contre le terrorisme et contre l’ultra-radicalisme islamiste suscité par la montée en puissance de l’organisation Etat Islamique. « En matière de lutte contre le terrorisme nous déployons des efforts depuis plus d'un an, expliquait le président égyptien à nos confrères de France 24 le jeudi 20 novembre 2014. Nous faisons partie de la coalition anti-jihadiste, et nous faisons ces efforts chez nous en Egypte, au Sinaï, et en Lybie, à l’ouest de nos frontières. » 

Foyers d’instabilité

Sinaï, Lybie : l’Egypte se trouve de fait confrontée à deux foyers d’instabilité et de violence qui font d’elle l’un des pays les plus directement touchés par la mouvance jihadiste se réclamant de l’organisation Etat islamique. En octobre dernier, la ville de Derna, en Lybie, est devenue le premier territoire hors d’Irak et de Syrie à passer sous le contrôle de jihadistes se réclament de l’EI. En novembre, c’est Ansar Beit al-Maqdis, le principal groupe jihadiste égyptien, très actif dans le Sinaï, qui prête allégeance à l’organisation. « L’Egypte occupe une position géostratégique essentielle, rappelle Robert Solé, journaliste spécialiste de l’Egypte,  avec une frontière commune avec la Lybie, avec Gaza, et avec le Sinaï qui apparaît de plus en plus comme l’un des champs de bataille de l’Etat islamique. C’est ce que le président al-Sissi vient expliquer aux occidentaux, qui vont s’accommoder de lui comme ils se sont accommodés de ses prédécesseurs ».
 
Avec cet argument de la lutte contre le terrorisme, le président égyptien dispose d’un argument précieux pour justifier sa politique de répression tous azimuts. Et pour éviter de subir les remontrances de ses interlocuteurs occidentaux, au grand dam des ONG de défense des droits de l’homme qui dénoncent depuis des mois le bilan de la présidence égyptienne. « Les pays européens doivent respecter leur propre discours et leurs propres engagements, déplore Mohammed Lotfy, de la Commission égyptienne pour les droits et les libertés. Ainsi, la France a poussé auprès des Nations unies pour l’adoption d’une convention contre les disparitions forcées. Or, en Egypte aujourd'hui on entend parler tous les deux jours d'un étudiant ou d'une étudiante qui disparaissent, et dont la famille n’a aucune nouvelle. Il y a une contradiction si la France ignore dans un pays donné les violations qu’elle combat internationalement. »

 

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