Après s'être concentrée sur l'Irak, la coalition – rejointe par des dizaines de pays arabes et occidentaux – a décidé d’étendre son rayon d'action au territoire syrien, visant les positions de l’organisation Etat islamique, mais aussi, à deux reprises, celles du Front al-Nosra.
Quel bilan tirer de ces opérations ? Il a fallu de longues semaines avant de constater les premiers effets de ces frappes aériennes sur le terrain. Dans un premier temps, l'organisation Etat islamique a semblé ne pas en souffrir, et a continué sa progression en Irak comme en Syrie. Mais peu à peu, les frappes ont joué un rôle de plus en plus décisif : d'abord autour du barrage de Mossoul, repris par les peshmergas à l’organisation islamiste, puis plus récemment autour de la ville de Kobane.
« Dans une première phase, Daesh (l’EI) a surpris un peu tout le monde, et la coalition a mis un peu de temps à s’organiser, explique le général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française auprès des Nations unies. Mais aujourd’hui, Daesh est au moins contrée efficacement, aussi bien en Syrie qu’en Irak. Cela ne veut pas dire la destruction et l’arrêt complet de Daesh, mais au moins la limitation de ses actions ».
Faiblesse de l’armée irakienne
De l'avis de nombreux observateurs, les frappes aériennes menées par les Etats-Unis et leurs alliés ont donc atteint leur premier objectif : stopper la progression de l’organisation Etat islamique, en Irak mais aussi autour de la ville de Kobane. Cependant, l’organisation continue de se renforcer sur les territoires qu'elle contrôle – en Irak comme en Syrie –, et elle bénéficie, du fait de ces frappes aériennes, d'un prestige accru au sein de la nébuleuse jihadiste.
Autres écueils insurmontables à court terme : la faiblesse de l'armée irakienne, et le déclin semble-t-il inexorable de la rébellion syrienne modérée. « L’essentiel est, une fois les forces contenues, de pouvoir avoir des forces au sol qui puissent les détruire, avance le général Trinquand. Cela va prendre du temps, car il n’y a pas assez de monde actuellement sur le terrain pour vaincre Daesh, et l’armée irakienne a besoin de se reconstruire entièrement. » La coalition refusant toute idée d'intervention au sol, il lui sera très difficile, avec ces alliés affaiblis, d'atteindre son deuxième objectif : celui d'un anéantissement complet de l'organisation Etat islamique.
Civils tués
Au-delà de ces tendances globales, quelle est plus précisément la situation à al-Anbar, la plus grande région d’Irak – celle où la rébellion sunnite a pris les armes en janvier dernier ? Trois mois après le début des frappes, la région est toujours contrôlée à 85% par l’organisation de l’Etat islamique et les tribus rebelles, rapporte la correspondante de RFI à Amman, Angélique Férat. Pour ces tribus, les frappes aériennes ne changent rien à l’affaire : leur but est toujours de défaire le régime irakien actuel.
Les frappes sont inefficaces, assure le cheikh Ahmed al-Shaim de Ramadi : « Depuis 9 mois, 85 000 personnes ont été tuées. Depuis le début des frappes aériennes par la coalition internationale, 3000 personnes sont mortes. Mais la plupart de ces gens sont des civils, des gens non armés. Peut-être qu’au grand maximum 3% de tous ces morts sont des combattants de Daesh ou des tribus ».
Sous la pression de Washington, un gouvernement dit « d’unité nationale » a été formé à Bagdad. Il s’agissait de donner un signe positif aux sunnites. Mais pour Abdelkader al-Naime, l’un d’eux, le constat est clair : le nouveau premier ministre Haïdar al-Abadi est l’homme de l’Iran. « Il est apparu avec le chef iranien des Brigades de Jérusalem : c’est la preuve que le premier ministre est l’homme de l’Iran. Comment peut-on faire confiance en cet homme ? Il n’a rien fait pour nous prouver sa bonne volonté ou son envie de trouver une solution à la crise. Il s’est montré avec ce responsable iranien, côte à côte sur le champ de bataille, entouré des milices chiites ».
Les tribus d’al-Anbar font toutes le même commentaire : « Il suffirait que le gouvernement irakien nous donne ce qu’on a demandé en manifestant pendant toute une année : la fin de la discrimination envers les sunnites, et la libération de 800 000 prisonniers condamnés à tort ». Depuis le début de l’année, 1.8 million de personnes ont été déplacées par les combats en Irak.