Avec notre correspondant à Istanbul, Jérôme Bastion
On n’est pas passé loin d’une catastrophe, ce vendredi, sur la frontière entre la Turquie et le canton kurde de Kobane, en Syrie. Depuis deux jours, des centaines, puis des milliers de Kurdes syriens, femmes, enfants et vieillards surtout, attendaient devant les militaires turcs, le long des barbelés, au soleil, terrorisés par les échos des combats tout proches. Quand les élus kurdes de Turquie sont venus leur apporter leur soutien, dans la matinée, la police et la gendarmerie ont chargé, à coups de canons à eau et de gaz lacrymogène. Sortie d’un chemin balisé, une femme a même été blessée par une mine antipersonnel.
Les consignes du Premier ministre Ahmet Davutoglu étant de créer une zone tampon pour bloquer tout risque d’immigration, ordre fut donné de les renvoyer vers leur ville et leurs villages bombardés. Mais là, ce fut la rébellion : les Kurdes syriens ont forcé le passage, écarté les barbelés et gagné le droit d’être accueillis dignement en Turquie, et de rester, après formalités d’enregistrement, chez leurs familles de ce côté de la frontière. Mais côté syrien, les combats continuent, les massacres dont les témoignages se multiplient aussi sans doute, et le calvaire des Kurdes est sans doute loin d’être fini.
Selon plusieurs sources recoupées, plus de 40 000 Kurdes syriens seraient passés et auraient été accueillis en Turquie en fin de soirée de ce vendredi. Du côté syrien, les Forces de défense populaire (YPG) défendant le canton de Kobane disent attendre des renforts de la part de combattants kurdes venus des autres cantons kurdes de Syrie, mais aussi d'Irak et de Turquie, qui seraient « en route » pour défendre cette enclave assiégée par les jihadistes de l’organisation de l'Etat islamique.