France: quelle réponse militaire face à l'Etat islamique en Irak?

Après les parachutages et les livraisons d’armes, la France se prépare à bombarder les positions de l’Etat islamique. Les militaires en parlent peu, mais les contours des objectifs et de la coalition aérienne qui pourrait être mise sur pied se dessinent peu à peu.

Pour Patricia Adam, la présidente de la Commission de la défense et des forces armées à l’Assemblée nationale, la déstabilisation de l’Irak a des conséquences directes sur la France et l’Europe. Elle s'exprimait, ce lundi 8 septembre, à Bordeaux lors de l'ouverture des 12e universités d'été de la Défense.

« C'est de notre sécurité dont il s'agit, expliquait-elle, ce n'est pas uniquement de la sécurité des populations irakiennes, et nous savons que les ramifications de ces groupes terroristes ne s'arrêtent pas là, et l'on voit se développer des mouvements du même type dans d'autres régions du monde. Il y a donc réellement urgence à intervenir, pour préserver les Etats, si les Etats explosent je suis particulièrement pessimiste pour l'avenir de notre monde. »

Réactivité

SI elles sont lancées, les frappes aériennes seront très certainement assez semblables à celles qui sont menées depuis le début de l’été par l’armée américaine, c'est-à-dire des frappes ciblées contre des positions de l’Etat islamique. Pour le chef d’état-major de l’armée de l’air française, le général Denis Mercier, comme à chaque fois, les aviateurs se conforment au « tempo » imposé par les décideurs politiques. En effet, François Hollande souhaite réunir le 15 septembre à Paris les pays qui pourraient prendre part aux opérations.

« Par le passé, on a été capable de réagir à des délais de quelques jours voire quelques heures, aux sollicitations du président de la République. L'an dernier, les pilotes étaient déjà dans leurs avions pour aller en Syrie. On a réagi en Libye face aux chars de Kadhafi qui allaient attaquer Benghazi ; au Mali, à des groupes islamistes qui menaçaient Bamako. Et bien sûr, ça ne pouvait pas attendre une semaine », explique le patron des forces aériennes françaises.

Comme en Libye, les pays occidentaux pourraient s'appuyer sur l'Otan pour mener des opérations en Irak : « L'Alliance atlantique est une organisation qui sait monter des coalitions militaires de circonstance si nécessaire, assure le général français Jean-Paul Paloméros, en charge du commandement allié pour la transformation de l’Otan à Norfolk. On se souvient qu'en Libye, plusieurs pays du Golfe étaient engagés. En revanche, l'Alliance n'intervient que si les dirigeants des 28 pays qui la composent le décident. Mais l'essence de l'Otan, c'est avant tout de préserver la paix en Europe et la défense collective de ses membres ! »

Les pays du Golfe amenés à intervenir

Les pays arabes qui le souhaitent seront associés à ces frappes, comme l’explique le géographe et diplomate Michel Foucher qui intervient régulièrement à l’école militaire à Paris : « Il est souhaitable que les Emiriens qui ont su intervenir à Tripoli en Libye puissent intervenir avec des moyens militaires. La Jordanie, pour sa part, fait partie de facto de cette coalition dans la mesure où elle a été clairement désignée comme cible et où elle est menacée. Enfin nous avons absolument besoin des Saoudiens, dans la mesure où il y a des relations familiales et tribales dans toute la région de Mésopotamie et là les Saoudiens ont enfin compris le risque mortel que l'EI faisait peser sur eux. »

En tout cas, les frappes aériennes devront se faire avec discernement et ne constitueront pas le seul levier pour mettre à mal l'Etat islamique car ce qu'on appelle la coalition sunnite irakienne revêt de nombreux aspects. « Il ne faut pas réduire la coalition sunnite en Irak à la seule catégorie de "mouvement terroriste", on y trouve d'anciens officiers de l'armée de Saddam Hussein, des tribus, des baasistes, tout cela explique la vitesse de propagation de gens qui ont des comptes à régler avec le régime sectaire de Damas et le régime sectaire de Bagdad », poursuit Michel Foucher.

Moyens d'Etat

« C'est une structure qui dispose maintenant de moyens d'Etat [avec] au minimum un budget de 2 milliards de dollars, et par conséquent il y a un risque que ça fasse des émules. On le voit déjà avec cette dénomination de « califat » dans le nord du Nigeria et dans le nord du Cameroun et ça, ça affecterait directement nos intérêts. Il faut donc clairement donner un coup d'arrêt », assure Michel Foucher.

Mais « frapper sans avoir de projet politique pour l’avenir de l’Irak revient à ne faire que la moitié du chemin, faisait remarquer lundi un haut gradé de l’armée française lors des atelier. Il faut retenir les leçons de la Libye. »

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