RFI : Les bombardements ont donc repris alors que la semaine dernière les pourparlers semblaient pouvoir déboucher sur un accord de cessez-le-feu durable. Benyamin Netanyahu semble de plus en plus déterminé à poursuivre la guerre. Est-ce que c’est la bonne stratégie qu’Israël choisit ?
Denis Charbit : En vérité, Benyamin Netanyahu estime que compte tenu de l’échec des négociations et certainement estimant qu’il est difficile d’accorder au Hamas quelque récompense que ce soit après cette opération, il souhaite continuer de riposter aux lancers de roquettes du Hamas. En revanche, il faut quand même insister sur le fait qu’il s’oppose très clairement à une extension de l’opération militaire. Il l’a même dit publiquement face à ses ministres. On est finalement dans une sorte de guerre d’usure où chacun riposte à son niveau. Israël ne peut pas en faire trop parce que d’une certaine manière, elle a épuisé son crédit diplomatique à la fin de la dernière opération il y a quelques jours seulement. Et le Hamas reste quand même considérablement affaibli après cette opération. On se trouve dans cet intermédiaire. Ce n’est pas bien sûr un cessez-le-feu, mais en tout cas ce n’est pas non plus ce que ses ministres, qui sont plus à droite que lui, tel le ministre des Affaires étrangères Avigdor Liberman, lui réclament c’est-à-dire une opération qui viserait à démanteler le Hamas, à occuper la bande de Gaza. Là-dessus Netanyahu est très ferme : avec le chef de l’Etat major et avec le ministre de la Défense, on reste dans un niveau de riposte, mais pas au-delà.
Vous parlez d’une guerre d’usure. Est-ce qu’on peut parler aussi d’une guerre ciblée? Trois chefs du Hamas dans la branche armée qui ont été tués. Est-ce que ce n’est pas ce que demandent les Israéliens : tout simplement de viser de manière juste ?
Effectivement. C’est exactement le type d’opération qui permet à Israël d’obtenir trois résultats positif sur tous les terrains. Le premier est d’ordre moral par rapport à la population israélienne. Si on leur dit que trois chefs du Hamas ont été abattus, ils se disent que forcément, ça doit avoir une implication en tout cas immédiate à court terme, peut-être même à moyen terme sur les capacités de riposte du Hamas. Le deuxième aspect, c’est que c’est le Hamas qui se trouve encore un peu plus affaibli. Et enfin le troisième aspect qui n’est pas négligeable, c’est la communauté internationale, notamment les pouvoirs publics, les chancelleries, même également l’opinion. Ça lui paraît tout à fait plus admissible qu’Israël frappe dans le cadre de cette opération les combattants du Hamas et non pas la population civile. Ces trois chefs ont été abattus. Il n’y a pas eu un civil, c’est un travail comme on dit, chirurgical. Et du point de vue des intérêts d’Israël, tout le monde y est gagnant, les Israéliens, l’affaiblissement du Hamas et la communauté internationale qui regarde les choses avec plus de passivité.
Quelle estla position des Israéliens? On voit que le Hamas menace l’aéroport Ben-Gourion qui est extrêmement protégé. Il y a eu des fermetures, il y a eu des annulations de vol fin juin-début juillet. Est-ce que c’est un nouveau risque ? Est-ce que les Israéliens ont peur ?
Les Israéliens n’ont pas peur. En tout cas, les compagnies d’aviation n’ont pas réagi, ne se sont pas arrêtées comme elles l’avaient fait il y a quelques semaines, n’ont pas interrompu leurs vols. Ce qui se passe sur le plan de la psychologie collective israélienne, c’est qu’il y a eu un grand mouvement de solidarité, de rassemblement, tous derrière les soldats de l’armée israélienne, tous même derrière Netanyahu précisément à cause du fait qu’on a bien senti qu’il s’est laissé aller à cette opération alors qu’il ne la souhaitait pas vraiment et qu’on a conservé cet aspect limité. Même si je reconnais que cette limite ne se traduit pas par le nombre des victimes civiles palestiniennes, en tout cas dans les objectifs d’opérations qui étaient de détruire les fameux tunnels et de détruire les capacités de riposte du Hamas.
En revanche, ce qu’il s’est passé depuis une dizaine de jours, c’est que d’une part les Israéliens ont bien compris qu’il ne va pas y avoir ici une reddition générale du Hamas. On ne va pas voir les chefs du Hamas lever le drapeau blanc. Et en ce sens, il y a quelque chose dans la psychologie israélienne qui a été un peu troublée. On se rend compte que ce ne sera pas une victoire éclatante, manifeste, même si une opération comme celle d’hier abattant trois chefs du Hamas redonne un petit plus confiance. C’est là qu’il y a peut-être quelque chose de nouveau : on n’a jamais aussi bien compris en Israël, qu’Israël doit choisir. Soit elle élit, malgré elle, le Hamas comme représentant de la cause palestinienne et on est parti pour des rounds, des rounds de ripostes, soit on privilégie l’option palestinienne politique, celle qu’incarne Mahmoud Abbas, et cela demande à Netanyahu en particulier par rapport à la coalition qu’il a, peut-être de prendre des décisions qui pourraient être aussi importantes et aussi dramatiques que celle qu’a pris Sharon lorsqu’il a décidé de désengager Israël de la bande de Gaza.