Hikmet Mela Ali : Nous avons reçu de l’aide américaine et de l’aide irakienne. Ce qui est arrivé à Erbil pour l'instant, c'est de l'équipement d’artillerie. Je ne peux pas vous donner de détails ni de chiffres à ce sujet. Mais nous espérons davantage d’aide. Et cela va continuer.
Nous avons passé un accord avec le gouvernement irakien et les États-Unis pour la mise en place d’une chambre d’opération commune. Elle est basée ici à Erbil. Nous travaillons ensemble avec des officiers américains et des officiers du ministère de la Défense irakien.
RFI : Y aurait-il eu une coopération entre les Kurdes et Bagdad, sans la présence des Américains ?
Non, parce que nous ne faisons pas confiance à l’armée irakienne ni à Bagdad. Nous les avons éprouvés durant huit ans. Nous avons essayé de négocier avec Bagdad sur la question de l'armement, de la mise en place d'une armée au Kurdistan. Nous les connaissons trop bien. Il nous faut une assurance, quelqu’un qui se place entre nous deux.
Quelle collaboration y a-t-il entre les combattants kurdes ?
Nous travaillons ensemble à notre intérêt commun. La coopération, elle se voit tous les jours sur le terrain. Nous avons combattu ensemble à Makhmour, avec le PKK qui se trouve dans le camp de Makhmour. Dans les montagnes du nord-ouest, ce sont les Kurdes de Syrie qui luttent contre l’État islamique et pour se protéger, protéger leurs familles. Nous sommes tous Kurdes, avant tout.
Attendez-vous également de l’aide de la part de l’Union européenne ?
Évidemment. Nous nous battons contre des éléments du terrorisme international. Nous attendons l’aide de l’Europe et celle de tous nos amis dans le monde.
Avez-vous le sentiment de protéger l’Occident en combattant l’État islamique ?
Nous défendons l’humanité. L’État islamique n’est pas une organisation. C’est un groupe d'odieux terroristes qui sévissent dans cette région et s’en prennent à l’humanité. C’est l’humanité qu’ils visent. Par conséquent, ils sont un danger pour la région comme pour le monde entier.
Est-ce que dans cette crise, vous voyez des points positifs pour les Kurdes, pour la lutte des Kurdes ?
Bien sûr il y a des points positifs. Nous nous rapprochons entre Kurdes jour après jour. Nous voyons que nous avons beaucoup d’amis dans le monde et puis nous voyons qui sont nos véritables alliés, en Europe et dans le monde. Il y a un proverbe kurde qui dit : « Le Kurde n’a d’ami que la montagne ». Maintenant, nous constatons qu’on a des soutiens dans le monde entier. J’en profite pour dire que nous n’oublierons jamais le rôle historique de la France qui nous a toujours soutenus dans notre cause. En particulier, le rôle de François Mitterrand pour protéger notre peuple de l’aviation irakienne il y a 20 ans. François Mitterrand était l’ami de nos dirigeants et de notre peuple.
Pensez-vous néanmoins que vos amis sont intervenus trop tard cette fois ?
Oui c’est certain. Il aurait été préférable qu’ils interviennent plus tôt. Comme il serait préférable qu’ils s’impliquent davantage désormais.
Avez-vous été surpris par la puissance de l’offensive jihadiste sur le territoire kurde ?
Non, la nature de leur combat est claire. Ce qui nous a surpris, en revanche, c’est la quantité d’armes qu’ils sont parvenus à amasser.
Justement, en France, il y a un débat précisément parce que certains craignent qu’en cas d’aide militaire aux Kurdes, des armes puissent être récupérées par l’État islamique. Qu’en pensez-vous ?
Je ne comprends pas cette crainte, vraiment. Les Kurdes n’ont pas perdu une kalachnikov depuis le début des combats contre l’État islamique. C’est l’armée irakienne qui a abandonné son armement à l’État islamique !
Quel est votre objectif final, général Mela Ali ? Éliminer l’État islamique ou bien libérer le Kurdistan ?
Nous allons procéder par étapes. D’abord, nous voulons évacuer nos populations qui sont encerclées dans la montagne de Sinjar, dans le nord-ouest du Kurdistan. Ensuite, il nous faut reprendre le territoire kurde qui a été conquis récemment par l’État islamique. Chaque chose en son temps.