L’armée américaine a bombardé deux mortiers, une pièce d'artillerie mobile, un convoi et des jihadistes de l’Etat islamique (EI) qui menaçaient Erbil, ce vendredi 8 août. L'objectif est de protéger le personnel américain en poste à Erbil et les Kurdes de la communauté Yézidie. Poursuivis par les jihadistes, des milliers d'entre eux ont trouvé refuge sur le mont Sinjar. Les peshmergas essaient de les secourir et de nouvelles frappes américaines pour les aider à repousser les combattants de l’EI sont probables au cours du week-end. Obama a en effet déclaré ce samedi que les frappes américaines continueraient « si nécessaire ».
Parallèlement, les forces américaines ont poursuivi leurs opérations de parachutage de vivres pour venir en aide aux dizaines de milliers de réfugiés qui ont fui l'avancée des insurgés sunnites.
Comme la nuit précédente, de l'eau et des rations militaires ont été larguées dans les montagnes de Sinjar, où des dizaines de milliers de Yézidis ont fui la progression des combattants sunnites de l'Etat islamique qui considèrent les adeptes de ce culte pré-islamique comme des « adorateurs du diable ». « A ce jour, en coordination avec le gouvernement irakien, l'aviation américaine a fourni 36 224 rations alimentaires et 6 822 gallons d'eau potable [25 000 litres environ] », précise le Pentagone.
« Il y a une grande entraide mais qui n’est pas suffisante »
Les Yézidis en fuite, notamment vers la Syrie, ne peuvent survivre dans les montagnes sans l’aide de la population locale kurde et les largages aériens, très bien accueillis par ces derniers. Eric Besse, coordinateur de terrain pour Action contre la Faim (ACF), actuellement à Dohuk, à la frontière entre l'Irak et le Kurdistan, témoigne sur RFI des réactions de la population kurde qui fait déjà face à un afflux de réfugiés syriens : « Ils considèrent qu’enfin, il était temps que la communauté internationale se mobilise pour leur venir en aide et empêche l’extension toujours croissante de l’EI. La population kurde est une population qui a beaucoup souffert à travers les décennies, qui a été elle-même amenée à se déplacer, parfois à franchir la frontière et à se réfugier en Turquie ou en Iran. Donc eux-mêmes ont vécu cette situation et ils comprennent tout à fait que ça arrive à ces différentes communautés qui sont autour d’elles, très proches d’elles. »
Malheureusement les vivres larguées et l’hospitalité des Kurdes ne sont pas suffisants pour venir en aide à tous les déplacés dans cette région déjà à court d’argent en raison d'un conflit avec Bagdad sur le partage des revenus pétroliers. « Il y a une grande entraide mais qui n’est pas suffisante parce que la capacité d’absorption de la population n’est pas, non plus, infinie. Certaines familles réussissent à être accueillies dans les familles kurdes, mais d’autres malheureusement ne peuvent pas l’être et donc se réfugient dans les écoles, dans les églises, dans les mosquées, voire des fois restent malheureusement dans la rue », détaille Eric Besse. Donatella Rovera, conseillère d'Amnesty International pour les situations de crise, à Dohuk aussi, estime « qu'il y a eu quelques descentes aériennes, un peu de nourriture, un peu d’eau, mais pas grand chose par rapport au nombre de gens déplacés qui sont dans le besoin, dans la montagne ».
A Erbil et Dohuk, les Kurdes « ne sont pas particulièrement inquiets »
Donatella Rovera confirme que certains Yézidis ont déjà passé la frontière pour la Syrie : « Il y a un ou deux groupes qui ont pu quitter [le pays] jeudi et un ou deux groupes qui ont pu le quitter ce [vendredi] matin. Il s’agit de gens qui étaient du côté ouest de la montagne vers la Syrie et qui ont pu quitter [le pays ] par la frontière syrienne qui est tenue par les groupes kurdes du côté syrien également, et qui les ont aidés. » Elle espère que d’autres les suivront : « Maintenant il reste à voir si ceux qui sont dans d’autres coins pourront, eux aussi, rejoindre cet endroit et éventuellement quitter la zone par le même passage ». Les Yézidis fuient aussi en Turquie. Rester dans les montagnes désertiques du Kurdistan les confronterait autant aux jihadistes qu’à la faim et à la soif.
Et ils ont peur, même dans les grandes villes du Kurdistan, Dohuk et Erbil, alors que les Kurdes, eux, sont confiants. « J’ai passé la nuit à Dohuk. Il y avait des manifestations et des feux d’artifices en soutien aux peshmergas. Donc les gens ne sont pas particulièrement inquiets car ils croient que des grandes villes comme Erbil et Dohuk, il n’y a aucun risque qu’elles puissent être attaquées et encore moins prises par EI », raconte Donatella Rovera. Elle tempère néanmoins : « Ceci dit, à Dohuk et à Erbil, les gens qui ont peur sont ceux qui ont déjà été déplacés. Ils croient que de la même manière que les peshmergas auraient été incapables de les protéger là où ils étaient auparavant, ils vont peut-être ne pas être capables de les protéger à Erbil ou à Dohuk. Ce sont ces gens-là qui ont peur. Ce sont ces gens-là qui ont fui ».
La France va livrer du matériel de premier secours
L'ONU cherche de son côté à établir un « corridor humanitaire » dans le nord de l'Irak pour permettre d'évacuer les civils menacés. Le Royaume-Uni a annoncé dans l'après-midi des parachutages de vivres dans les prochaines 48 heures, tandis que la France va « procéder dans les prochaines heures à de premières livraisons d'équipements de premier secours » en Irak, a indiqué la présidence française.
François Hollande a appelé Barack Obama pour l’assurer de « son fort soutien » dans son choix de frappes en Irak. C’est le président américain qui l’a annoncé ce samedi après-midi. L’Elysée avait annoncé la veille vouloir « prendre toute sa part » dans les actions pour mettre un terme aux souffrances des populations civiles et a confirmé ce samedi son engagement avec l’annonce du largage de matériel de premier secours.
Une manière aussi pour François Hollande de tourner la page après les très vives critiques à droite dans sa propre majorité sur sa réaction face à l'intervention israélienne à Gaza mais si la présidence parle bien de soutien pas question en revanche de mobiliser des moyens militaires pour l’Irak. La France n’est pas le gendarme du monde, répète-t-on à l'Elysée et puis surtout elle n’en a plus les moyens. Paris a déjà échoué à obtenir de l’aide de ses partenaires européens dans la crise en Centrafrique.
Manifestation à Paris
Des centaines de personnes ont défilé à l'appel d'associations kurdes pour dénoncer les « massacres » commis par l'Etat islamique au Kurdistan irakien et appeler la communauté internationale à réagir.