Avec notre correspondant en Cisjordanie, Nicolas Ropert et notre envoyée spéciale à Jérusalem, Véronique Gaymard
Les frappes se poursuivent à Gaza, notamment le long de la côte. La marine israélienne a bombardé la zone dans la nuit de lundi à mardi, faisant de nouvelles victimes côté palestinien. Lundi, près d’une cinquantaine de personnes avaient été tuées. L’hôpital d'Al-Aqsa, situé dans le sud de la bande de Gaza, a été frappé : une pièce au troisième étage a été touchée, quatre personnes sont mortes. Un autre immeuble résidentiel a lui aussi été visé, faisant onze morts dont cinq enfants.
Manque de médecins et de médicaments
Dans les autres hôpitaux de Gaza, la situation est critique : manque de place pour accueillir les blessés, manque de médicaments, manque de chirurgiens. « Dimanche, du monde est arrivé d’Al-Shuja’iyeh, où il y avait des attaques de missiles israéliens. Il y avait beaucoup de morts, beaucoup de blessés, relate Anal Charwan, médecin à l'hôpital Al-Shifa de Gaza. Les maisons ont été détruites et tout le monde était à l’hôpital, marchait, s’asseyait sur le trottoir, sans rien faire. Il n’y a même pas de place pour accueillir les morts. Les services de chirurgie sont pleins. On n’a pas d’instruments. On manque de médicaments, de médecins, de spécialistes capables de traiter les grandes brûlures et les blessures causées par les missiles. Dans l’hôpital d'Al-Aqsa, qui a été frappé, on faisait de la chirurgie, de la réanimation, de la gynécologie aussi. Mais tous ces services ont été détruits. »
Une vidéo a circulé lundi, montrant un jeune Palestinien à la recherche de sa famille dans les décombres, dans le quartier de Chajaya, dévasté par les tirs israéliens deux jours plus tôt. Il est accompagné par une équipe de secouristes, lorsqu’un - ou plusieurs - snipers lui tirent dessus, le laissant pour mort sous le regard médusé de ses compagnons. La véracité de cette vidéo est à confirmer, mais si c’est le cas, ce serait une preuve de plus de tirs israéliens contre les civils.
« On attend notre bombe »
Au sud de Gaza, à Rafah, au moins neuf Palestiniens d'une même famille, dont quatre enfants, ont été tués dans un raid aérien. Islam Adhaïr vit sur place avec sa mère, sa femme et ses trois enfants. « C’est horrible ici, parce qu’on attend toujours notre bombe. La bombe qui va détruire notre maison. Il y a toujours des problèmes dans les services d’infrastructures, par exemple l’eau, l’électricité, les eaux usées aussi. On a juste quatre heures d’électricité par jour, qu’on utilise pour charger les portables, pour voir les infos par Internet et par la télévision. »
L’UNRWA, l’Agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, a annoncé que plus de 100 000 personnes étaient désormais déplacées et avaient trouvé refuge dans 69 écoles qu’elle gère. Mais Islam Adhaïr, lui, ne compte pas fuir : « Quitter ma maison, pour aller où ? Il ne reste pas de places. Nous n'avons pas d’abris. »
Nuit tendue en Cisjordanie
En Cisjordanie, la nuit a été tendue dans plusieurs localités. Une grève a été organisée lundi en soutien aux Palestiniens de Gaza. Des rassemblements ont eu lieu dans la soirée, et certains ont viré à l’affrontement, notamment dans le nord du territoire, mais également à Bethléem et Ramallah. Plusieurs centaines de personnes ont manifesté en solidarité avec Gaza dans la ville qui est également le siège de l’Autorité palestinienne.
Un manifestant a été tué dans des affrontements autour de la colonie israélienne de Beit El, toute proche. La colère monte contre l’armée israélienne, mais aussi contre l’Autorité palestinienne, accusée d’être trop docile. Les manifestants ont parlé d’une « troisième intifada ». Mais pour le moment, aucun appel dans ce sens n’a été lancé.
« Ils n’arrêtent pas, depuis dix ans, de lancer des roquettes »
Les morts se comptent également côté israélien. Les combattants du Hamas multiplient les attaques, y compris sur le territoire de l’Etat hébreu. Les sirènes retentissent dans le sud, mais aussi à Tel-Aviv et à Yehud, dans le centre du pays. 27 militaires ont été tués, dont deux lundi : c’est le plus lourd bilan pour Tsahal depuis la guerre contre le Hezbollah, au Liban, il y a huit ans.
Le mystère demeure sur le sort de l'un d'entre eux. Alors que le Hamas avait annoncé lundi l'enlèvement d'un soldat israélien, Tsahal a diffusé ce mardi un communiqué annonçant que l'un de ses hommes était porté disparu mais « présumé mort » - semblant ainsi contredire l'annonce du Hamas, mais sans qu'il soit possible d'affirmer avec certitude qu'il s'agit bien du même soldat.
Des funérailles de soldats israéliens morts dans les combats ont lieu pratiquement tous les jours. Pour l’un d’entre eux, originaire d’Ethiopie, un falasha âgé de 20 ans, la cérémonie a eu lieu au cimetière militaire national au Mont Herzl, à Jérusalem. Il fait partie des treize soldats du commando d’élite de la brigade Golani à avoir été tués dimanche 20 juillet, selon un communiqué de l’armée.
Le député de la Knesset Shimon Salomon, lui aussi falasha et représentant de la communauté, se trouvait aux funérailles. Selon lui, le cessez-le-feu ne dépend pas d’Israël : « Nous voulons la paix. Nous sommes sensibles aux populations, mais le Hamas utilise les civils comme boucliers humains. Ils n’arrêtent pas depuis dix ans de lancer des roquettes. Nous sommes d’accord pour un cessez-le-feu, mais en face, ils n’en veulent pas. »
Pour le député, « l’Egypte et Mahmoud Abbas doivent faire partie du processus » de paix, mais pas le Qatar : « Le Qatar n’est pas un pays frontalier. Il soutient le terrorisme, ça ne peut pas être le pays hôte de la solution pour la paix. C’est une pièce rapportée. L’Egypte doit en faire partie, car elle a une frontière commune, et également Mahmoud Abbas, car il représente l’Autorité des Palestiniens. »
Attaques de groupes d’extrême droite
Comment la société israélienne perçoit-elle cette guerre ? Malgré le choc que la mort de soldats suscite dans la société israélienne, la majorité semble soutenir la ligne gouvernementale : continuer l’opération au sol jusqu’à ce que les tunnels, les armes et les lance-roquettes soient démantelés, pour « restaurer la sécurité des citoyens israéliens ».
Les Israéliens interrogés affirment que la mort de civils palestiniens serait la responsabilité du Hamas, qui les utilise comme boucliers humains. Ils disent vouloir la paix, mais aussi se protéger, selon eux, contre un ennemi qui veut les tuer.
Certains Israéliens, toutefois, s’opposent à la guerre, réclament la décolonisation et la levée du blocus de Gaza. Mais leur poids semble minoritaire et des groupes d’extrême-droite très violents les attaquent, au point que certains militants de gauche hésitent désormais à s’afficher dans des manifestations.