Avec notre envoyée spéciale à Erbil, Aabla Jounaïdi
Pour l'EIIL, s’emparer de Tal Afar, c'est renforcer la jonction avec ses forces déjà présentes en Syrie et cela correspond à sa stratégie de mise en place d'un califat dans lequel les frontières actuelles seraient abolies.
Les insurgés ont en revanche perdu le contrôle du second poste-frontière avec la Syrie. Mais plus au sud, ils menacent désormais la Jordanie dont ils cherchent aussi à s'emparer d'un poste-frontière : l'armée jordanienne y a d’ailleurs renforcé sa présence.
La menace a beau être « existentielle pour l'Irak », selon les mots de John Kerry, en visite à Bagdad, la solution n'est pas seulement militaire, elle est également politique. Le soutien américain sera intensif et soutenu si un compromis est trouvé avec les sunnites dont la marginalisation est une des causes de la crise actuelle.
Situation confuse autour de la raffinerie de Baiji
La confusion la plus totale règne autour du sort de la raffinerie de Baidji. Les insurgés ont lancé dans la nuit une nouvelle offensive pour tenter de s'en emparer, mais ils ont été repoussés par les forces de sécurité, selon des responsables irakiens. En revanche selon al-Jazira, les insurgés sunnites auraient offert la vie sauve et la possibilité de rejoindre la ville d'Erbil aux 460 soldats stationnés près de la rafinerie s'ils jetaient leurs armes.
Le ministre irakien des Affaires étrangères Hochiar Zebari prétend au contraire que ce sont les soldats qui sont maîtres des lieux et que l'EIIL ne la contrôle pas. L'armée de l'air irakienne a mené des raids aériens sur plusieurs secteurs de la ville. Les combats en tous cas seraient acharnés.
Si l'Irak regorge de pétrole, les raffineries sont peu nombreuses et celle de Baidji est particulièrement importante. Elle fournit en essence la capitale, Bagdad, mais aussi tout le nord de l'Irak, le Kurdistan irakien, et une grande partie de la province de Ninive. La production de la raffinerie est estimée à 600 000 barils par jour et approvisionne un tiers de l'Irak en essence et en produits dérivés.
Séparatisme kurde
Autre défi qui se présente au gouvernement irakien : la poussée indépendantiste au Kurdistan. En effet, le président du gouvernement kurde autonome, Massoud Barzani, estime que l'heure est arrivée pour son peuple. « Après les récents événements, dit-il, en référence au chaos actuel, les Kurdes doivent saisir cette opportunité ». Il pointe aussi la responsabilité d’al-Maliki dans l’échec des négociations avec les Kurdes sur les zones contestées.
En premier lieu, Kirkouk dans le Nord. Profitant de la débâcle de l’armée irakienne dans la zone, les soldats kurdes, les peshmergas, en ont pris le contrôle consacrant un vieux rêve kurde. Quant à la manière dont les Kurdes comptent faire reconnaître au niveau régional et international ce nouvel Etat de fait, la tâche sera certainement ardue. John Kerry est d'ailleurs en déplacement ce mardi dans la région autonome afin de pousser les Kurdes à participer plutôt à la formation d'un gouvernement irakien fort.
■ ZOOM : Mallah Abdullah, petit village sunnite au cœur des combats
En Irak, Mallah Abdullah n'a plus rien du paisible petit village sunnite qu'il fut. Depuis que les combattants kurdes, les peshmergas, y stationnent, c'est un village en pleine ligne de front. Les Kurdes qui ont pris le contrôle il y a une dizaine de jours de Kirkouk se retrouvent à 15 km au sud, dans ce village. En face d'eux, les islamistes de l'EIIL.