Irak: Internet, arme de propagande de l'EIIL

L’offensive militaire lancée par l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) depuis neuf jours en Irak, a mis à jour une stratégie de communication élaborée du groupe jihadiste sur le web. Pour enrayer cette propagande digitale de l’EIIL, le gouvernement irakien a décidé, depuis le 13 juin, de fermer l’accès à lnternet et à différents réseaux sociaux dans cinq provinces du pays.  

Alors que les combats se poursuivent entre l’armée et l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), dans la raffinerie de Baiji, principale raffinerie de pétrole du pays au nord de Bagdad, les insurgés sunnites mènent un tout autre combat sur Internet. Depuis son offensive contre les villes de Mossoul, Tikrit et Kirkouk, l'EIIL multiplie la publication de messages, photos et vidéos sanglantes sur le web.

Un vaste réseau de sympathisants

Grâce à ses agences de communication propres, le groupe jihadiste poursuit ainsi la campagne de propagande qu'il a amorcée ces derniers mois, lors des combats menés en Syrie. « Le succès de cette propagande repose autant sur les structures médiatiques officielles de l’EIIL que sur leurs sympathisants dans le monde qui sont souvent plus efficaces », insiste Romain Caillet, chercheur à l’Institut français du Proche-Orient (IFPO) et consultant sur les questions islamistes.

Depuis plusieurs années, le groupe sunnite, luttant pour la création d'un Etat indépendant, a fait de la propagande digitale l'un des piliers de sa stratégie militaire. Sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, YouTube, etc.), les forums et les sites Internet, l'EIIL diffuse en temps réel les actions menées par le groupe en Irak, entre exécutions de soldats chiites de l'armée irakienne, clips de propagande glorifiant le camp d'entraînement au jihad et vidéos au cours desquelles les combattants tirent au hasard sur des voitures.

Inciter à la désertion

Des photos postées sur des forums jihadistes, vendredi 13 juin, montraient des hommes, présentés comme étant des soldats irakiens, alignés et mis en joue par les combattants de l’EIIL, en attente d’être exécutés (lire l'encadré ci-dessous). Quelques minutes plus tard, plusieurs tweets provenant de comptes attribués à des membres de l'EIIL revendiquaient l'exécution de 1 700 soldats chiites. « L'EIIL a prétendu avoir tué ces soldats chiites, le lendemain, le gouvernement irakien a précisé qu'il avait tué 479 jihadistes », souligne Romain Caillet, illustrant ainsi la tentative du gouvernement de Nouri al-Maliki d'enfermer l'EIIL dans une logique pure de propagande. 

Craignant des désertions dans les rangs de l’armée, le gouvernement a choisi une riposte radicale. Pour tenter d'enrayer la campagne agressive du groupe jihadiste sur Internet, le ministère des Communications a demandé vendredi dernier aux fournisseurs d'accès internet (FAI) de couper complètement l'accès au réseau dans cinq provinces (Ninawa, Anbar, Saleh El Din, Kirkouk et Diyalah) et de bloquer Facebook, YouTube,Twitter, Instagram et bien d'autres réseaux sociaux dans tout le pays. Le trafic provenant de certaines provinces irakiennes et syriennes a été complètement bloqué.

Une riposte inefficace ?

En l’absence d’une stratégie de contre-propagande, l’action du gouvernement, par ailleurs dénoncée par la blogosphère irakienne comme de la censure, risque de s’avérer inefficace, les membres de l’EIIL pouvant facilement contourner ce blocage grâce à l’utilisation de proxys. L'attention et les moyens portés par l'EIIL pour étayer sa propagande sur Internet témoignent, encore une fois, de l’organisation professionnalisée du groupe jihadiste et de l'importance stratégique de sa présence sur le web.

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