Plus de 30 morts vendredi à Bagdad dans un attentat visant un meeting électoral d’un parti chiite. Et une attaque-suicide ce lundi matin dans l’un des bureaux de vote où les forces de sécurité se rendaient aux urnes par anticipation. Bilan : 4 morts. La litanie des violences n’a pas cessé à l’approche des législatives du 30 avril.
Par ailleurs, la situation reste chaotique dans la province sunnite d’Al Anbar, entrée en rébellion contre le pouvoir central au tout début de cette année. Insurrection qui a permis aux jihadistes de l’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL) de planter leur drapeau noir sur ce foyer de contestation.
« Nous sommes contraints à l’exil, déplore Abou Mahmoud, joint par RFI dans le nord de l’Irak où il s’est réfugié pour fuir les violences de ces dernières semaines à Al Anbar. Nous avons besoin d’un homme qui puisse séparer la religion de l’Etat. Nous en avons marre, nous sommes fatigués, poursuit cet Irakien sunnite qui constate la fracture confessionnelle qui traverse son pays. Que l’on soit sunnite ou chiite c’est pareil. Dès qu’un politicien chiite est élu député, il se met au service de l’Iran. Idem pour le sunnite, dès qu’il est élu, il se met au service de l’Arabie saoudite. »
Conflit régional
L’Irak est en première ligne du conflit chiites-sunnites qui secoue actuellement le Moyen-Orient. Le fragile équilibre régional entre les deux grandes tendances de l’islam a été modifié avec l’invasion américaine de 2003. L’Irak de Saddam Hussein était essentiellement dirigé par des sunnites mais, avec la chute du dictateur, c’est la majorité chiite du pays qui a pris les commande, avec à sa tête le Premier ministre Nouri al-Maliki, au pouvoir depuis 2006.
Les sunnites irakiens lui reprochent sa pratique sectaire du pouvoir et aujourd’hui, les citoyens du pays échappent très difficilement au clivage confessionnel. « Le conflit entre sunnites et chiites a créé une sorte de tendance au sein de la population irakienne, qui se sent désormais obligée de voter pour sa communauté d’origine, confie Al Nasir Belha, un médecin irakien joint par RFI à Bagdad. Les chiites vont voter pour des dirigeants chiites, comme l’Alliance de l’Etat de droit, ou les sadristes, ou le Conseil islamique suprême. Et les sunnites iront voter pour Al Iraqyia ou toute autre liste qui représente la minorité sunnite d’Irak. »
Un troisième mandat pour Al Maliki ?
Ce sont les premières élections législatives en Irak depuis le départ des troupes américaines en 2011 et la majorité qui sortira des urnes permettra de désigner le Premier ministre du pays. Le chiite Nouri al-Maliki espère bien se maintenir pour un troisième mandat même si sa liste (« L’Alliance pour l’Etat de droit ») est concurrencée par d’autres partis revendiquant les voix de la majorité chiite (principalement le courant populiste de Moqtada Sadr et le Conseil islamique suprême).
« Maliki est un aimant à violence, un aimant à opposition, résume la chercheuse Myriam Benraad, spécialiste de l’Irak au CERI-Sciences-Po et à l’ECFR. Son discours le présente en homme providentiel de l’Irak même s’il n’a pas fait ses preuves depuis 2006. La solution passerait par un véritable partage du pouvoir et par un dialogue national… qui n’a pas eu lieu et qui a priori n’aura pas lieu. »
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Soutenu à la fois par Washington et par Téhéran, Nouri al-Maliki assène un discours essentiellement sécuritaire, n’hésitant pas à faire l’amalgame entre la colère des Irakiens sunnite et les attaques de l’EIIL. Pour Myriam Benraad, « le credo de Maliki c’est de dire qu’il est le dernier homme à pouvoir lutter contre cette menace terroriste pour d’empêcher l’Irak de sombrer dans le chaos ».