Avec notre envoyée spéciale à Gaza, Murielle Paradon
Petites lunettes et costume de ville, Daoud Chihab, porte-parole du Jihad islamique à Gaza, répond nonchalamment aux questions. Son mouvement, dit-il, n’est pas à l’origine des tirs de roquettes sur Israël : « Ces derniers jours, le Jihad islamique n’a pas lancé de roquettes sur Israël. Nous, quand on le fait, on a le courage de le dire et de le revendiquer ». C’est ce mouvement qui avait tiré des dizaines de roquettes le mois dernier sur Israël, en réponse à des assassinats ciblés, provoquant une escalade avec l’Etat hébreu.
Daoud Chihab revient sur cet épisode et estime que le Jihad islamique en est sorti renforcé : « On en est ressorti plus fort. Maintenant, les Israéliens savent que le Jihad islamique est plus fort qu’avant. Nous ne sommes pas faibles et si nous voulons faire du mal aux Israéliens, on peut agir quand on veut ». Un avertissement lancé à Israël au moment où les négociations de paix avec l’Autorité palestinienne sont au plus mal.
Processus de paix au bord du gouffre
Les contacts se sont poursuivis ce dimanche en coulisse sous l'égide des Etats-Unis pour tenter de sauver le processus de paix. Une réunion entre Israéliens, Palestiniens et Américains s'est tenue à Jérusalem ce dimanche pour tenter de sortir de l’impasse. La rencontre n'a débouché sur aucune avancée.
Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu a menacé ce dimanche de représailles les Palestiniens si ces derniers ne revenaient pas sur leurs demandes d’adhésion à des traités internationaux, demandes qui pourraient conduire à condamner la politique israélienne.
A Gaza, les négociations de paix entamées par l’Autorité palestinienne avec Israël ont souvent été dénoncées. Alors quand Mahmoud Abbas décide de ne pas prolonger ces négociations, le Jihad islamique, l’un des principaux groupes armés de Gaza, applaudit. « On était très heureux de la décision du président Mahmoud Abbas d’arrêter les négociations avec les Israéliens . Et on lui demande de tenir bon et de ne pas retourner à la négociation. Parce que les Israéliens ne veulent pas vraiment négocier. Pour eux, c’est une couverture pour continuer la colonisation. Et on souhaite que Mahmoud Abbas reste sur sa position », déclare Daoud Chihab, porte-parole du mouvement.
Le Jihad islamique dit croire aux démarches politiques de l’Autorité palestinienne, qui a décidé d’en appeler à l’ONU. Mais le mouvement n’en reste pas moins un groupe armé, capable, dit-il, de frapper Israël quand bon lui semble.
John Kerry exaspéré
L’exaspération de John Kerry était palpable, lorsqu’il a déclaré « qu’il y a des limites au temps et aux efforts que les États-Unis peuvent consacrer à ce processus si les protagonistes ne sont pas désireux de progresser ». L’histoire se répète, analyse notre correspondante à Washington, Anne-Marie Capomaccio. On se rappelle James Baker, secrétaire d’État de George Bush père en 1990, interpelant Israéliens et Palestiniens dans une situation similaire. « Quand vous voudrez sérieusement parler de paix, rappelez-nous », avait-il déclaré. On se souvient aussi de Bill Clinton reconnaissant l’échec des négociations de Camp David en juillet 2005.
John Kerry n’a pas encore déclaré forfait. Il s’est investi dans le processus, et d’après des indiscrétions, a persuadé Barack Obama d’accepter la libération de l’espion Jonathan Pollard en échange du dernier contingent de prisonniers palestiniens. Mais son agenda est plus que chargé. La crise ukrainienne, la guerre en Syrie, et les négociations sur le nucléaire iranien demandent son attention. La décision appartient désormais à Barack Obama, avec lequel John Kerry doit faire un point en début de semaine.