Il n'est plus maréchal et redevient un simple monsieur Abdel Fattah al-Sissi, puisqu'il a déclaré qu'il quittait l'uniforme qu'il a porté pendant 44 ans. Et ce, pour continuer à servir et défendre la patrie autrement. « Je réponds à l'appel de larges franges de la population et déclare ma volonté de présenter ma candidature à la présidence », a déclaré ce mercredi Abdel Fattah al-Sissi, nous rapporte notre correspondant au Caire, Alexandre Buccianti. Et d'ajouter que l'Egypte fait face actuellement à de très graves problèmes économiques, sociaux, politiques et terroristes, ainsi qu'une ingérence régionale et étrangère.
Abdel Fattah al-Sissi a ajouté qu'il était inacceptable que des millions de jeunes soient chômeurs, ou que des malades ne reçoivent pas de soins adéquats, et que l'Egypte devait compter sur les aides et dons étrangers. L'Egypte doit, selon lui, retrouver sa grandeur et sa puissance, mais la tâche sera difficile. Et il a précisé : « Je ne peux pas faire de miracles et il faudra que les gouvernants et le peuple fassent des efforts ». Et puis, il a enfin déclaré que la scène politique restait ouverte à la participation de tous, sans exclusion, sauf ceux condamnés par la justice.
Un militaire à l'Occidentale
Son portrait est devenu omniprésent en Égypte. Pourtant on ne sait que peu de choses de la personnalité et de la vie privée du candidat al-Sissi. Issu d’un milieu populaire, âgé de 59 ans, Abdel Fattah al-Sissi aura fait toute sa carrière au sein de l’institution militaire. Il a porté l’uniforme dès l’âge de 15 ans quand il était élève au collège secondaire de l’armée de l’air avant de rejoindre l’académie militaire pour devenir fantassin. Contrairement à son prédécesseur, le maréchal Tantawy formé à la soviétique, Sissi est un militaire à l’Occidentale, rappelle notre correspondant au Caire. Il a fait l’équivalent de diplômes de masters d’Etat major au Royaume uni et aux Etats-Unis. Il a aussi été à la tête du tout puissant service des renseignements militaires qui détient des dossiers sur tous les hauts gradés de l’armée.
Sissi est aussi très pieux. C’était même le plus pieux du Conseil suprême de l’armée, raison pour laquelle les Frères musulmans l’ont choisi à la tête de la Défense. A l’été 2012, il est nommé chef des armées par Mohamed Morsi qui veut alors se débarrasser de la vieille garde incarnée par le maréchal Tantaoui. Cette erreur lui sera fatale : moins d’un an plus tard, c’est ce même général Sissi qui le destituera, répondant à l’appel des millions d’anti-Morsi descendus dans la rue lors de la journée du 30 juin 2013.
Le sauveur de la Nation pour beaucoup d'Egyptiens
Al-Sissi incarne alors aux yeux d’un grand nombre d’Égyptiens la figure du sauveur de la nation, capable de tenir tête à la fois aux États-Unis et aux Frères musulmans. Depuis, les médias égyptiens n’ont cessé de cultiver l’image d’un nouveau Nasser garant de la sécurité et de la grandeur de l’Égypte. Pour les partisans de Mohamed Morsi, le candidat al-Sissi offre un tout autre visage, celui d’un dictateur sanguinaire qui aura mis derrière les barreaux plus de 10 000 opposants et provoqué la mort de plus d’un millier de personnes sous couvert de lutte contre le terrorisme.
La date du scrutin, dont il est le grandissime favori, n'a pas encore été fixée, mais il devrait avoir lieu avant la fin juin, comme le prévoit la Constitution.
► Ce soir le Décryptage est consacré à l'Egypte avec Agnès Levallois, journaliste, consultante spécialiste du Moyen-Orient et des questions méditerranéennes, chargée de cours à l'ENA et à Sciences Po (18h10 TU / 19h10 HF)