Hafez el-Assad, père de Bachar, est resté trente ans à la tête de la Syrie, de 1970 jusqu’à sa mort en 2000. Cette année-là, Bachar el-Assad accède au pouvoir. Quatorze années plus tard - dont les trois dernières passées à faire la guerre - Bachar el-Assad est toujours en place.
Le secret de sa puissance : la répression, mais également ses soutiens à l’intérieur du pays et à l’étranger. « Le régime syrien s’appuie sur la communauté alaouite, dont il est issu. Elle représente 10% de la population et elle est extrêmement loyale. Les alaouites dirigent aussi bien l’armée que l’administration civile », explique Fabrice Balanche, directeur du Groupe de recherche et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient (GREMMO). « Bachar el-Assad dispose également d’alliés puissants : les Iraniens et les Russes », ajoute le chercheur.
Pourtant, malgré tous ses soutiens le régime a bien failli flancher à plusieurs reprises. Durant les trois dernières années, les nombreuses défections aussi bien au sein de l’armée qu’au sein du gouvernement ont considérablement affaibli le clan Assad. Il y a eu aussi ce fameux attentat en juillet 2012. Au cœur de Damas, une attaque à la bombe décime le régime. Des hommes clés du pouvoir sont tués.
Plus récemment, après les attaques aux armes chimiques de l’été dernier, les puissances occidentales se sont mises en ordre de bataille. Déterminées à « punir » Bachar el-Assad. Mais là encore, grâce à un tour de passe-passe diplomatique mené par l’allié russe, le président syrien n’est pas inquiété. L’annulation des frappes françaises et américaines est célébrée comme une victoire à Damas. Bachar el-Assad en sort grandi, il a réussi avec le soutien de Moscou à briser les projets occidentaux.
« Il arrange les puissances »
L’écrivaine et opposante alaouite syrienne Samar Yazbek connait très bien le clan el-Assad. Mais « Bachar Al Assad, le surpuissant, l’inamovible », elle n’y croit pas du tout. « S’il est toujours en place, c’est qu'il arrange les affaires des grandes puissances », explique l’auteure de Feux Croisés. Journal de la Révolution Syrienne.
« Il y a une volonté internationale de laisser la Syrie dans cette situation. Si les grandes puissances voulaient vraiment en finir avec Bachar el-Assad, il aurait été destitué depuis bien longtemps », regrette la militante. « Lorsqu’enfin les puissants de ce monde décideront de mettre fin au pouvoir de Bachar el-Assad, ils le feront. Comme ils l’ont fait avec Sadam Hussein. Sadam Hussein a commis des crimes de guerre à Halabja. Pourtant, après cela, ils l’ont laissé plus d’une décennie au pouvoir. »
Bachar el-Assad qui arrange les affaires des grandes puissances ? « Cela peut paraitre étrange, mais dans une Syrie à feu et à sang, cette théorie commence à avoir du sens », assure Fabrice Balanche.
« Bachar el-Assad a gagné la guerre mais pas la paix »
Bachar el-Assad a réussi à s’imposer comme le dernier rempart contre le chaos dans une Syrie où le peuple est divisé, l’opposition est divisée et les différents groupes rebelles s’entretuent sur le terrain. Pour le chercheur Fabrice Balanche, Bachar el-Assad a bien réussi son coup. « Aujourd’hui, il n’y a pas d’alternative à Bachar el-Assad. Et comme les grandes puissances ne veulent pas prendre le risque d’avoir un Etat failli dans la région, le réalisme voudrait qu’on le laisse en place », analyse le directeur du GREMMO.
Toutefois, cette volonté de maintenir le président syrien au pouvoir contraste avec le discours occidental. « Durant ces trois dernières années, on n’a cessé de nous répéter que Bachar el-Assad était un criminel de guerre, qu’il n’était plus question de discuter avec lui et qu’il fallait impérativement qu’il tombe », affirme cet expert de la Syrie.
« Et même, s’il est difficile pour les occidentaux de le voir toujours en place, il y a des signes qui montrent qu’on est en train de préparer l’opinion publique au maintien du président syrien. Mais même si Bachar el-Assad a gagné la guerre, il n’a pas gagné la paix », conclut le chercheur.