Syrie: la perspective d'une nouvelle conférence à Genève s'éloigne

Le secrétaire d'Etat américain John Kerry rencontre ce lundi 14 octobre Lakhdar Brahimi, l'envoyé spécial de l'ONU, en vue de préparer une éventuelle conférence internationale le mois prochain à Genève. Encore faudrait-il savoir qui y participera. La défection du Conseil national syrien (CNS) a encore accentué les divisions au sein de l'opposition, et pourrait repousser la tenue d'une telle réunion.

Avec notre correspondant à Beyrouth, Paul Khalifeh

La décision du Conseil national syrien (CNS) de ne pas aller à Genève 2 intervient trois semaines après l’annonce par Ahmad al-Assi al-Jarba, le chef de la Coalition nationale syrienne (organisation qui tente de fédérer toutes les composantes de la rébellion, dont le Conseil national, NDLR), disposé à participer à cette conférence de paix.

Cette affaire illustre les profondes divisions au sein de l’opposition syrienne et les sérieuses divergences entre ses principaux soutiens régionaux, la Turquie et l’Arabie saoudite.

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Les Frères musulmans, appuyés par Ankara, mais combattus par Riyad, sont très influents au sein du Conseil national. En revanche, Ahmad al-Assi al-Jarba est une personnalité proche de la monarchie saoudienne.

Les positions contradictoires entre les deux tendances de l’opposition syrienne reflètent en réalité un conflit entre la Turquie et l’Arabie saoudite. Un conflit qui remonte à la surface à cause du repli américain.

Échec du plan de rééquilibrage

Cette affaire est aussi la conséquence de l’échec du plan de rééquilibrage de la situation militaire.

L’Arabie saoudite et la France avaient d’ailleurs ouvertement lié la tenue de Genève 2 à une amélioration des positions des rebelles sur le terrain.

Toutefois, l'armée syrienne a poursuivi sa progression autour de Damas, de Homs, ainsi que dans d’autres régions.

Dans le même temps, l’Armée syrienne libre (ASL) a reculé au nord et à l’est, devant les groupes affiliés à al-Qaïda, dont le Front al-Nosra et l'Etat islamique d'Irak et du levant (EEIL).


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Sergei Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, n'a pas manqué cette occasion de pointer l'impuissance des pays occidentaux à convaincre les rebelles syriens à venir à Genève. « Pour notre part, ajoute Sergei Lavrov, nous exerçons une influence sur Damas qui donne des résultats tangibles ».

L'impuissance occidentale

Comment convaincre malgré tout George Sabra et le CNS de venir négocier ? Il y aura d'abord la pression exercée par les pays occidentaux et par les alliés arabes de l'opposition. Mais il y aura également la possibilité de répondre à certaines de ses demandes : dans sa déclaration, dimanche 13 octobre, George Sabra évoque la situation dramatique des populations civiles encerclées par l'armée syrienne notamment dans les faubourgs de Damas.

Il faudrait que le régime syrien accepte de desserrer quelque peu l'étau militaire autour de ces zones. Pour l'instant, il n'en pas question. Il revient peut-être à Moscou de faire pression sur Damas, afin que les conditions d'une participation de l'opposition aux négociations de paix soient remplies.

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Les divisions de l’opposition, le repli des Etats-Unis et le statu quo militaire risquent de provoquer un nouveau report de Genève 2, prévu en principe en novembre prochain.


■ Pour Bassma Kodmani, directrice de l'Initiative de réforme arabe, un institut de recherche sur le monde arabe basé à Paris, et ex- responsable des relations extérieures du Conseil national syrien (CNS), les négociations sont rendues impossibles en raison de la situation sur le terrain. Selon elle, seul un arrêt des bombardements par le régime permettra la reprise d'une solution politique.

« Bien entendu, il y a toute sorte de solutions possibles. Il suffit simplement qu'il y ait une vraie volonté de la part des pays qui soutiennent le régime, à commencer par la Russie, de peser réellement et sérieusement sur le régime, pour cesser par exemple les bombardements sauvages de zones qu'ils ne contrôlent pas.

Cela fait des mois et des mois que ces zones sont bombardées systématiquement et quotidiennement. Il faut savoir que depuis que l'accord sur le démantèlement des armes chimiques a été conclu, il y a plus de cinquante raids aériens tous les jours.

Par conséquent, si les pays qui ont réellement de l'influence sur le régime veulent réellement préparer les conditions d'une conférence de paix, il faut exiger du régime qu'il suspende ses opérations aériennes contre les populations, et les destructions que l'on voit tous les jours. »

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