La Fifa a deux jours pour atténuer une crise naissante. Depuis le vote du comité exécutif, il y a trois ans, ce Mondial 2022 est entouré de soupçons de corruption. Sepp Blatter, lui-même, se pose des questions sur les réseaux d'influence de l’Etat émirati. Le président de la Fifa, qui a dernièrement déclaré qu’«il se pourrait bien que nous ayons fait une erreur» concernant la candidature qatarie, a également évoqué «des influences directes de chefs de gouvernement européens» sur un vote en faveur du petit Emirat.
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Une théorie partagée par Eric Champel, journaliste àFrance Football, qui enquête justement sur ce dossier : «Il y a vingt-deux membres du comité exécutif, sur les quatorze, qui se sont prononcés en faveur du Qatar. Cinq d’entre eux ont soit démissionné, soit été sanctionnés par la Fifa pour des cas de corruption. On peut se poser des questions sur beaucoup de monde.»
Des doutes que va d’ailleurs tenter de dissiper Michael Garcia, le président de la chambre d'instruction de la Commission d'éthique de la Fifa. L’ex-membre d'Interpol a démarré une enquête indépendante sur l'attribution de ce Mondial, qui pourrait donc être remise en cause en cas de corruption avérée.
Jouer en hiver, la fausse bonne idée ?
Mais cette Coupe du Monde au Qatar pose également des problèmes de calendrier. Comme lors des précédentes éditions, ce Mondial est censé se disputer au mois de juin ou juillet. Or en été, il peut faire jusqu'à 50 degrés au Qatar. Il est difficile de jouer au football dans ces conditions, même si le pays hôte s’est engagé à construire douze stades climatisés. Les joueurs sont donc plutôt sceptiques, à l’instar du Guinéen Pascal Feindouno, qui a notamment porté le maillot d'Al-Sadd (2008-2009) club de Doha. «C’est vrai que le climat est très différent du climat européen. En hiver, on atteint les 25 degrés, mais en été, il fait très chaud, parfois jusqu’à 50 degrés. Il est sûr que ces températures pourraient poser problème.»
Dans ces conditions, la Fifa a donc commencé à étudier d'autres possibilités, comme celle d'organiser la Coupe du Monde en hiver. A priori, ce serait la solution la plus consensuelle. La Fifpro, le syndicat des joueurs professionnels, qui rassemble plus de 60 000 footballeurs dans le monde, est pour, tout comme l'UEFA. Même Sepp Blatter s'est déclaré favorable.
Mais pour Eric Champel, ce serait remettre en cause une grande partie du calendrier international : «Il y a un problème de dates. Et plusieurs scénarios possibles. Va-t-on organiser ce Mondial en novembre-décembre 2022? Il serait trop proche de la CAN 2023. Ou plutôt en janvier 2022 ? Si tel est le cas, il viendrait se télescoper avec les Jeux Olympiques d’hiver... C’est une question éminemment complexe, car cela impliquerait de réquisitionner les joueurs vingt jours avant la compétition, soit presque deux mois au total. S’il y a Mondial en hiver, il y aura des incidences sur tous les championnats du monde.»
Un recours possible contre le Qatar
Des bouleversements qui préoccupent évidemment les Ligues européennes, comme la toute puissante Premier League anglaise, qui s'est déjà vivement opposée à cette solution hivernale, par l’intermédiaire de Richard Scudamore son directeur exécutif : «Si on ne peut pas jouer l’été au Qatar, alors il faut changer de lieu.»
Autre problème pour la Fifa et le Qatar, cette modification de calendrier pourrait amener les déçus du vote de 2010 à se rebeller. «Les Australiens (battus au dernier tour par le Qatar) ont fait savoir qu’ils pourraient engager une juridiction civile pour obtenir des dédommagements», explique Eric Champel. «Selon eux, s’il y a changement de la saison, on modifie le cahier des charges de l’attribution à la Coupe du Monde, ce qui est juridiquement répréhensible.»
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Aucune décision franche ne devrait toutefois être prise lors de ces deux jours à Zurich. Une commission de réflexion sur la viabilité d’une Coupe du monde hivernale sera cependant mise en place. Au menu des discussions également, les révélations du Guardian, la semaine dernière. Selon le quotidien britannique, 44 ouvriers immigrés népalais seraient morts depuis le début de l'année sur les travaux liés au Mondial 2022, la Fifa déclarant être «très préoccupée» par la situation. Les Qatariens peuvent donc s'inquiéter. Cette réunion pourrait fragiliser la tenue de leur Mondial.