En Une du quotidien canadien the National Post, deux photos se font face : à gauche Bachar Al Assad, le regard tourné vers... Barack Obama. Sous chaque photo, un point de vue : du côté du président syrien, celui des « anti frappes militaires ». Sous celle du président américain, les « pro-intervention ». Dans le camp des « anti », Jonathan Kay soutient que l'occident n'a pas à donner de leçon de morale à qui que ce soit. Pour lui, le fait de fixer une ligne rouge sur l'usage d'armes chimiques est parfaitement injustifié alors que des dizaines de milliers de personnes sont mortes avant même l'utilisation de gaz toxiques. Mais pour Matt Gurney, c'est justement aux Etats-Unis et à ses alliés de punir Bachar el-Assad. Sans quoi d'autres dictateurs pourraient à leur tour utiliser comme bon leur semble des armes de destruction massive contre leur population sans craindre d'attaque extérieure.
L'intervention en Syrie pourrait être remise en question, depuis que la Russie s'est posée en arbitre du conflit.
« John Kerry ne s'attendait pas lundi à ce que sa proposition soit prise au sérieux », écrit le Boston Globe. Et bien c'est chose faite. L'intervention hier soir du ministre russe des Affaires étrangères Serguei Lavrov a fait l'effet d'une bombe. En clair, il propose à la Syrie de laisser son arsenal chimique sous contrôle de la communauté internationale et, sur le long terme, de détruire purement et simplement ces armes de destruction massive.
La proposition russe vient d'être acceptée par Damas et a été saluée par de nombreux pays, dont la France et... les Etats Unis.
« Obama soutient l'idée que la Syrie cède le contrôle de ses armes », titre le New York Times. « Voyons si nous pouvons communiquer dans un langage autre que militaire tout en prenant en compte notre objectif principal, qui est d’éviter que ces armes chimiques ne soient utilisées », a-t-il déclaré sur la chaine ABC. Mais selon le président américain cité par le New York Times, « un plan de contrôle des armes chimiques est possible… s’il est réel. » Traduction, si Damas y met vraiment les moyens. On l’a compris Barack Obama doute de la crédibilité de Moscou et Damas. Mais pour le New York Times, c’est toujours une porte de sortie envisageable pour éviter, ou au moins retarder une intervention militaire en Syrie.
Une porte de sortie qui pourrait s'avérer utile pour le président américain
Pour le Boston Globe, « la Syrie est devenue un élément décisif pour le mandat de Barack Obama. Et le résultat du vote du Congrès pourrait déterminer sa crédibilité aussi bien dans les affaires internes qu’à l’échelle internationale. »
A l'heure où le Congrès s'apprête à voter pour ou contre l'usage de la force, la population lâche Barack Obama.
A en croire un sondage du Washington Post, 59 % des personnes interrogées étaient contre, il y a une semaine. Aujourd’hui ils sont 64 %. Parmi ces opposants à une intervention en Syrie, on trouve des démocrates libéraux, mais surtout, c'est ce qui est nouveau, beaucoup de républicains.
Parmi eux, Ted Cruz, représentant de l'Etat du Texas au Sénat, justifie sa position dans les colonnes du Washington Post en trois points.
Premièrement, pour lui, Bachar el-Assad n’est pas une menace pour les Etats-Unis.
Deuxièmement les rebelles ne sont pas forcément mieux que Bachar el-Assad. Pour lui, il est inconcevable d’armer les forces d’al-Qaida et les islamistes, de plus en plus puissants dans la rébellion.
Troisièmement, le potentiel d’escalade de la violence est trop important pour prendre ce risque. Le sénateur républicain rappelle qu’aucun véritable allié n’existe dans la région, et que le conflit sunnite-chiite pourrait devenir incontrôlable en cas d’attaque.
La crainte que ces armes chimiques ne tombent entre les mains d’al-Qaida et du Hezbollah
Pour éviter cela, dans son éditorial, le New York Times soutient la proposition russe, à savoir de contrôler les armes chimiques avant de les détruire. « Mais leur destruction ne se fera pas instantanément », précise l’article. L’éditorialiste demande donc à la Russie et aux Etats-Unis de rapidement soumettre une résolution au Conseil de sécurité de l’ONU pour condamner l’usage d’armes chimiques en Syrie. Un moyen d’accélérer le processus et d’éviter justement que les armes ne tombent entre de mauvaises mains.
Dans une tribune dans les colonnes du New York Times, un syrien, prisonnier politique pendant 15 ans dans les années 1990 lance un appel à l’aide. Pour lui, si personne n’intervient en Syrie, Damas sera conforté dans sa position. D’ailleurs, si en deux ans et demi la violence s’est largement accrue en Syrie, c’est pour lui, justement parce que le régime de Bachar el-Assad est resté impuni. Pour lui, les jihadistes ont commencé à rejoindre la rébellion à peine un an après le début de la répression. C’est justement l’inaction qui renforce les extrémismes. La solution serait donc de renverser Bachar el-Assad pour organiser des élections démocratiques. Avant de rappeler ces chiffres morbides : 5000 morts par mois et 2 millions de déplacés.