Syrie: la proposition russe, soulagement ou camouflet pour Barack Obama?

S'agit-il d'une manœuvre dilatoire ou d'une véritable proposition de sortie de crise ? Alors que s'approchait l'échéance d'un vote du Congrès américain sur une intervention militaire en Syrie, la Russie a bouleversé la donne en proposant de mettre sous contrôle international l'arsenal chimique du régime de Bachar el-Assad et de détruire les stocks. Barack Obama, qui s'apprêtait à une grande offensive médiatique pour convaincre du bien-fondé d'une intervention a manifestement été pris de court, mais on peut se demander si la proposition des Russes soulage ou au contraire embarrasse le président américain.

Les Russes ont-ils coupé l'herbe sous le pied des Américains, comme ils le disent ? Pour l'instant, le président américain parle plutôt d'avancée diplomatique, bien qu'il reste prudent et sceptique quant à la réelle volonté du régime syrien de se plier à des inspections et destructions de leurs armes chimiques.

Le vote du Sénat a été reporté. Il devait avoir lieu demain, le 11 septembre, date hautement symbolique, marquant l'anniversaire des attentats de 2001 qui devaient propulser les Etats-Unis au plus fort de sa doctrine interventionniste.

En revanche, Barack Obama va tout de même s'adresser au Sénat, puis à la nation, ce mardi soir à 21 heures (heure de Washington). Selon son entourage, il devrait déclarer que les Etats-Unis ont le devoir de réagir pour punir le régime d'avoir utilisé des armes chimiques contre sa propre population le 21 août dernier, mais il devrait aussi insister sur l'avancée diplomatique que constitue la proposition russe acceptée par Damas. Des progrès diplomatiques que les Etats-Unis et la France attribuent à leur attitude ferme de menaces de frappes contre le régime syrien. Pour l'instant, le président américain est sans doute soulagé.

L'initiative russe fragilise Obama vis-à-vis de l'opinion américaine

Barack Obama semblait déjà avancer à reculons sur le dossier syrien : horrifié après les attaques à l'arme chimique le 21 août dernier, il avait prôné une réponse ferme et des frappes pour punir le régime syrien qui avait selon lui « franchi la ligne rouge ». Puis, ne voulant pas entraîner son pays dans une guerre à l'issue incertaine, il s'était ravisé et avait sollicité l'aval du Congrès, ce qui était inédit. Son gouvernement et ses partisans s'étaient lancés dans la plus importante campagne de lobbying depuis le dossier « Obamacare » sur la réforme de la santé.

Mais lundi, après la proposition russe, Obama a fait marche arrière. Embarras ou soulagement, beaucoup concluent que la Russie l'a finalement tiré d'un mauvais pas. Car Barack Obama est fragilisé à l'intérieur de son propre pays. Il peinait à convaincre une opinion publique plutôt opposée aux frappes contre le régime syrien. Il peinait aussi à convaincre les républicains récalcitrants qui, de toute façon, veulent continuer à lui mettre des bâtons dans les roues sur tous les dossiers qu'il présente, de la santé à la réforme de l'immigration.

Le président américain est donc coincé entre la difficulté à convaincre chez lui, et sa difficulté de croire en la proposition russe, qui peut être une façon de gagner du temps.

Proposition française de résolution au Conseil de sécurité de l'ONU

Au cours des deux dernières années, trois résolutions ont été présentées au Conseil de Sécurité de l'ONU, mais la Russie et la Chine menaçant d'opposer leurs veto, ces résolutions qui ne faisaient que condamner les violences en Syrie ne sont jamais passées. Cette fois, la France propose une résolution plus contraignante, placée sous le chapitre 7 de la Charte de l'ONU, en conservant la menace de frappes ciblées si les points n'étaient pas respectés.

La Russie et la Chine s'opposent systématiquement à ce genre de résolution, car ils font de la non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays un principe qu'ils veulent faire respecter pour eux-mêmes.

D'autre part, il semble aujourd'hui extrêmement difficile de mettre en œuvre les points de cette résolution, notamment les inspections des sites et les destructions des arsenaux chimiques, lorsqu'on voit la difficulté avec laquelle les inspecteurs de l'ONU se sont déplacés quelques jours seulement pour tenter de rassembler des échantillons après les attaques chimiques en août dernier.

Enfin, cette agitation concernant les menaces de frappes suite aux attaques chimiques ne règle en rien le fond du problème : il y a actuellement une guerre civile en Syrie qui a déjà fait plus de 100 000 morts, des morts dus aux armes classiques. Aucune solution politique n’est à ce jour privilégiée. Pour l'instant, les tensions attisées par les menaces de frappes puis la réponse de Moscou semblent plutôt constituer une victoire diplomatique côté russe.

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