Sécurisation des frontières libyennes : l'Union européenne en accord avec la création des zones tampons

Une trentaine d'experts de l'Union européenne ont entamé depuis trois mois un travail de titan en Libye: assister le pays à sécuriser ses frontières. Niamey estime que les attentats au Niger en mai dernier ont été préparés par des jihadistes basés en Libye. Ceux-ci ont tiré profit de la porosité des frontières et la sanglante prise d'otages sur le site gazier d'In Amenas avait été préparée, selon Alger, à partir de la Libye. C'est également à proximité de la frontière avec la Tunisie que l'armée tunisienne traque des groupes jihadistes. L'enjeu de l'Eubam, la Mission de l'Union européenne d'assistance aux frontières en Libye, est donc de taille. Mercedes Garcia Peres, chef des opérations pour les missions civiles de l' Union européenne répond aux questions de RFI.

RFI : La décision de la Tunisie d’établir des zones tampons à ses frontières fait-elle sens à vos yeux ? Est-ce que ce sont des outils efficaces ces zones tampons ?

Mercedes Garcia Peres : L’Union européenne est évidemment en accord avec la coopération déjà établie entre la Libye et la Tunisie sur le contrôle des frontières. Nous comprenons que cette stratégie serait destinée à réduire les trafics à travers leurs frontières et c’est évidemment ce que nous souhaitons aussi avec le déploiement de notre mission en Libye. Concrètement notre chef de mission et son personnel ont visité des points stratégiques dont la frontière entre la Tunisie et la Libye, Ghadamès par exemple.

Quelles sont les premières conclusions de ces déplacements ? Quels sont les défis de cette frontière justement ?

Les besoins de soutien sont réels, les infrastructures doivent être améliorées. La gestion de la frontière elle-même, là où il y a des postes qui existent déjà, doit aussi être réorganisée.

Un manque d’infrastructures, à quel niveau ?

Il faut des moyens de communication, il faut des moyens d’enregistrements des gens qui traversent ces frontières et des marchandises qui enregistrent ces frontières. Il faut une combinaison de personnels douaniers et de personnel de contrôle des frontières. Donc il faut plusieurs forces de police qui soient présents dans un poste frontalier.

Rien de tout cela n’existe à l’heure actuelle ?

Non.

Parce que c’est tout le problème justement en Libye. Ce ne sont pas toujours les autorités qui surveillent les frontières. Parfois la régulation dépend de la bonne volonté des trafiquants. C’est le cas notamment dans le sud de la Libye ?

Il y a évidemment des communautés qui habitent ces zones de frontière qui elles-mêmes ont un rôle dans la surveillance de ces frontières.

C’est le cas des Toubous, c’est bien ça ?

Oui, donc une partie de la stratégie de la Libye doit être évidemment d’inclure ces communautés et de leur donner un rôle dans cette stratégie.

Mais dans la mesure où elles profitent souvent des trafics elles-mêmes, pensez-vous réellement qu’elles vont collaborer avec la Mission de l’Union européenne d’assistance aux frontières ?

Ca c’est un problème très concret qu’on essaie d’aborder aussi en coopération avec les Nations unies. On va essayer de les inciter à travers d’autres bailleurs de fonds qui offriraient des moyens alternatifs à ces communautés, un soutien au développement de ces régions et de ces communautés.

Il y a également d’anciennes milices qui sont mandatées par le gouvernement libyen pour surveiller des frontières. Certaines de ces milices ont sans doute été infiltrées par des jihadistes proches de groupes terroristes. Cela constitue un autre défi pour la surveillance des frontières en Libye ?

Tout à fait. C’est un défi même plus large parce que la Libye est un pays qui doit définir sa stratégie de sécurité plus générale et elle doit décider quel rôle elle va donner à ces milices existantes, comment elle va les réformer. L’appui aux autorités libyennes, donc tout ce qui est réforme du secteur de la sécurité, est géré par les Nations unies.

Les frontières qui posent réellement problème se situent surtout au niveau du Niger et de l’Algérie également, ça c’est le sud et vous n’y serez pas ?

On n’a pas de présence permanente au sud. Ce sont des frontières difficiles d’accès dont l’objectif de la Mission est d’essayer aussi de soutenir le gouvernement dans la gestion de ces frontières. Donc la gestion de ces frontières là sera incluse dans la stratégie globale et nos personnels seront en mesure d’être présents dans ces parties du pays, pas de façon permanente.

La décision de mettre sur pied Eubam a été prise en mai. Est-ce que vous pouvez nous rappeler le contexte politique de la décision de la création de la mission d’assistance aux frontières en Libye ?

Nos missions sont toujours décidées par l’unanimité des Etats membres de l’Union européenne sur la base d’une demande des autorités concernées. On a une demande des autorités libyennes pour les soutenir dans cet aspect clé qui est aussi évidemment un intérêt stratégique de l’Union européenne à savoir que c’est identifié comme un défi majeur dont les conséquences peuvent évidemment affecter aussi ces trafics qui traversent les frontières libyennes. Quand ces trafics iront vers le nord, ils peuvent très bien finir dans les frontières de l’Union européenne. Il est dans notre intérêt d’agir alors que le problème se présente à l’étranger au lieu d’attendre qu'il soit déjà là.

Et les jihadistes menacent parfois également parfois des intérêts européens ?

Sans doute.
 

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