Les Nations unies ont fait une demande officielle auprès des Syriens. Même la Russie, alliée de Bachar el-Assad, a demandé aux Syriens de laisser les inspecteurs se rendre sur place. Le discours est simple : « Il nous faut des analyses, des preuves. »
Car c’est un fait, nous n’avons pas de preuves scientifiques, si ce n’est les témoignages, les dizaines de vidéos sur internet qui montrent des enfants et des adultes les yeux révulsés, cherchant de l’air et crachant de la salive. Il y a également les nombreuses photos de corps sans vie, mais sans aucune marque de blessure. Il y a des soupçons, et les accusations de l’Armée syrienne libre (ASL). Mais la communauté internationale se montre extrêmement prudente.
Ce vendredi, sur place, les combats ont continué. Les rebelles auraient, malgré tout, réussi à progresser dans le quartier de Jobar. Et au cours de la journée, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a accusé les rebelles d'empêcher le déplacement des inspecteurs vers les sites des attaques.
Solution introuvable aux Nations unies
Les dernières prises de position du camp occidental se font nuancées. L’Italie, par la voix d’Emma Bonino, ministre des Affaires étrangères, a demandé des « informations certaines » sur l’attaque, avant d’envisager une réaction.
Washington dit vouloir établir les faits, rassembler des informations. L’administration Obama est très critiquée pour sa tiédeur sur le dossier. Le ministre français des Affaires étrangères a bien demandé jeudi une « réaction de Force », mais en excluant l'envoi de troupes au sol. Comme pour écarter les appels à une intervention militaire, les États-Unis et la Russie ont rappelé, ce vendredi, qu'une solution politique est « la seule voie ». On reparle même d’une conférence Genève 2, qui mettrait autour de la table opposants et régime syrien…
Bref, la communauté internationale veut bien livrer des armes aux rebelles, les entrainer discrètement dans les pays voisins, comme la Jordanie, mais personne ne veut faire le choix d'une solution militaire. Sans doute le syndrome irakien. La solution ne pourra pas être trouvée au sein de l’ONU : le conseil de sécurité est bloqué par les Russes.
Des scénarios militaires à l'étude
Mais des scénarios militaires sont à l’étude. Le conseiller militaire du président Barack Obama les a même exposés dans une lettre à un élu américain : établir une zone tampon, à la frontière turque ou au nord de la Jordanie.
L'avantage est que le flux de réfugiés serait stoppé et que les combattants rebelles pourraient en faire leur base arrière. Cela implique de pouvoir empêcher les bombardements. Donc, soit il faut imposer une « no fly zone », soit il faut donner des moyens de Défense aérienne aux rebelles.
Autre scénario : la zone d’exclusion aérienne totale. La population civile qui meurt sous les bombardements du régime serait moins en danger. Mais pour neutraliser la défense aérienne syrienne, il faut bombarder les aéroports et bases militaires. Ceci implique la présence de soldats basés dans des aéroports militaires régionaux pour faire respecter cette interdiction de vol. Politiquement, ce n’est pas difficile à faire accepter aux opinions occidentales et arabes.
Troisième et dernière option : neutraliser les armes chimiques. Il faudrait détruire des tonnes de gaz sarin, gaz moutarde et gaz VX. On ne connait pas l'ampleur des stocks syriens. La Syrie ne communique pas sur le sujet. Elle n’a pas signé la convention internationale sur l’interdiction des armes chimiques. Ce scénario est encore plus lourd, car il faudrait des troupes au sol, des avions pour appliquer une zone d’exclusion aérienne et des missiles pour neutraliser des dizaines de sites.
La politique de containment du conflit syrien
Alors qu’est-ce qui pourrait faire bouger la communauté internationale ? Les États-Unis et les pays prorebelles ont pour l’instant joué le containment, l'endiguement : on aide les rebelles pour qu’ils ne soient pas complètement écrasés, mais on maintient le conflit dans sa dimension intra syrienne.
Mais le conflit peut se régionaliser. On le voit aujourd’hui avec le nouvel attentat au Liban, qui a fait plus de 40 morts à Tripoli. Cette régionalisation est possible. Les sunnites libanais touchés ce vendredi sont pro rebelles, ils accusent la Syrie et le Hezbollah d’être à l’origine de l’attaque. La semaine dernière un attentat touchait les quartiers chiites de Beyrouth Sud. La communauté internationale ne peut se permettre de voir le Liban, la Jordanie, la Turquie être déstabilisés.
L’armée syrienne a pris bien soin de ne pas transgresser les frontières. Des obus sont tombés coté turc ou jordaniens, mais il s’agissait plus d’erreurs que d’attaques ciblées. Damas n'a pas bombardé les camps de réfugiés ou les camps d'entrainement de l'Armée syrienne libre. Bachar el-Assad sait instinctivement que c'est là la seule véritable « ligne rouge » pour les Occidentaux.