A peine une semaine après la réouverture de sa frontière avec la Syrie, le Kurdistan irakien limite depuis 24 heures à 3 000 le nombre de réfugiés syriens pouvant entrer chaque jour sur son territoire. Près de 35 000 réfugiés, en grande majorité des Kurdes syriens, ont rejoint l'Irak depuis une semaine, et plus de 3 000 - l’Organisation internationale pour les migrations avance le chiffre de 5 000 - ont franchi la frontière pour la seule journée de mardi, a déclaré le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés.
Une zone jusque-là plus ou moins pacifiée
Depuis le début de la révolution, la contestation contre le régime de Bachar el-Assad dans le nord-est de la Syrie était restée relativement pacifique. Les indépendantistes Kurdes ont pour certains tiré parti du soulèvement contre le régime de Damas, car les forces du régime s'étaient retirées de la plupart des régions kurdes l'an dernier, laissant les responsables kurdes gérer les affaires locales. Le parti de l'Union démocratique (PYD), le principal parti kurde de Syrie a d’ailleurs annoncé un plan pour imposer l'autonomie dans les régions kurdes.
Mais depuis quelques semaines, la région est le terrain d’affrontements entre milices kurdes et milices islamistes. Les Kurdes syriens craignent depuis d'être pris pour cibles par les rebelles, principalement ceux du Front al-Nosra. Car le mouvement islamiste qui se réclame d'Al Qaïda ainsi que l'Etat islamique d'Irak et du Levant ont tous deux tenté récemment de gagner du terrain dans le nord et le nord-est de la Syrie.
Mardi 20 août, dans la province de Hassaké, les combats faisaient rage entre d'un côté les Comités de protection du peuple kurde (YPG) et de l'autre les jihadistes de l'Etat islamique d'Irak et du Levant, du Front al-Nosra et d'autres bataillons. Bien entendu, la ville stratégique de Ras al-Aïn, près de la frontière turque, n’a pas été épargnée. « Il y a une guerre pour le contrôle du territoire et du pétrole », a affirmé à l’AFP Havidar, un militant kurde de la ville, passage clé entre la Turquie et la Syrie.
Des réfugiés « aussi loin que les yeux peuvent voir »
Les Kurdes de Syrie s’ajoutent donc désormais à l’interminable liste des déplacés, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. « Beaucoup de familles se sont amassées à la frontière ces dernières semaines », explique à RFI Alan Paul, responsable des opérations urgentes pour l’ONG Save the children qui s’est rendu plusieurs fois à la frontière. « Jeudi dernier la frontière a été rouverte. Aussitôt la nouvelle s’est répandue par téléphone. Ce que les gens nous disent c’est qu'ils ne trouvent plus à manger ou à boire en Syrie. D’autres nous parlent des combats qui se rapprochent et ils ne se sentent plus en sécurité. J’étais à la frontière samedi dernier et les gens étaient absolument épuisés. Ils arrivaient le visage rouge, car il fait 40 degrés en ce moment. Les gens arrivent très stressés une valise dans une main et un enfant dans l’autre. J'ai aussi vu une famille qui tirait une bâche en plastique : elle y avait mis ses enfants qui étaient trop fatigués pour marcher. »
Jusqu’à présent, le nombre de réfugiés syriens en Irak était relativement faible par rapport à celui des pays voisins, 154 000 selon les Nations unies avant l’afflux massif de jeudi dernier 15 août. Par peur de voir le conflit syrien déborder de l'autre côté de la frontière, les autorités du Kurdistan irakien avaient fermé la frontière en mai. Certaines restrictions ont été levées en juillet dernier, mais le nombre de personnes autorisées à franchir la frontière était tout de même jusqu'alors resté restreint.
Avant l’annonce de la mise en place du quota journalier de réfugiés autorisés à passer la frontière, le HCR avait envoyé 70 camions transportant de l'aide, ainsi que 2 100 tentes, deux entrepôts préfabriqués et des containers. « Je n'ai jamais vu quelque chose comme ce qui s'est passé jeudi, samedi et dimanche », a affirmé à l’AFP Emily Dakin, représentante de l'organisation non-gouvernementale américaine International Rescue Committee (IRC) en Irak. Elle explique avoir vu des réfugiés « aussi loin que les yeux pouvaient voir ». Cette vague de réfugiés était la plus importante depuis novembre 2012, lorsque 9000 Syriens avaient traversé la frontière vers la Turquie.
(Avec agences)