Turquie: les violences en Egypte indignent le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan

Après avoir mercredi 14 août appelé l'ONU et la Ligue arabe à agir pour «faire cesser le massacre», le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan s'en est pris une nouvelle fois ce jeudi matin à la communauté internationale, et notamment à l'Occident, accusé d'immobilisme et de silence coupable, voire d'hypocrisie face aux tragiques événements qui secouent l'Egypte.

Avec notre correspondant à Istanbul,Jérôme Bastion

«La crise égyptienne est un test démocratique pour l'Occident», a estimé le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan lors d'une brève conférence de presse ce jeudi 15 août. «Pour réussir ce test, l'Occident doit savoir que tôt ou tard, le citoyen lambda sortira pour demander des comptes sur cette tragédie», a-t-il dit, ajoutant «si l'Occident n'est pas sincère, c'est le monde entier qui questionnera la démocratie».

Le chef du gouvernement indique avoir décroché son téléphone pour s'entretenir de ce sujet avec les présidents Obama et Poutine, avec ses homologues britannique David Cameron, français Jean-Marc Ayrault et allemand Angela Merkel, ainsi qu'avec le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, appelant à la réunion urgente du Conseil de sécurité.

Réfutant toute volonté de s'immiscer dans les affaires intérieures de l'Egypte, comme le lui a reproché le pouvoir intérimaire en place au Caire, Recep Tayyip Erdogan a promis de continuer à dénoncer l'évidence, à savoir que «l'argument des putschistes disant vouloir défendre la démocratie n'est qu'un faux prétexte». «Au téléphone, chacun convient que nous avons à faire à un coup d'Etat, mais personne de le dit ouvertement», a encore critiqué le Premier ministre turc avant de poursuivre, «ceux qui se taisent sont également coupables, ils seront souillés du sang des victimes».

La communauté internationale taxée d'«immobilisme»

Recep Tayyip Erdogan avait déjà accusé la communauté internationale d'un coupable silence sur l'Egypte, et notamment l’Occident, qu’il accuse d’hypocrisie et d’une diplomatie à deux poids et deux mesures quand il s’agit d’un pouvoir aux mains des islamistes.

Après ce qu’il avait déjà qualifié de «massacre» mercredi, le Premier ministre turc est allé plus loin encore, estimant que ce manque de réactions contre le coup d’Etat renversant les Frères musulmans, était la principale raison pour laquelle les militaires égyptiens se sont sentis, progressivement, aussi sûr d’eux et commettre ces massacres successifs. Une nouvelle fois donc, Recep Tayyip Erdogan a appelé les Nations unies et la Ligue arabe à agir immédiatement, pour faire cesser les violences.

Le président Gül a également réagi fortement mercredi en qualifiant d’inacceptable l’intervention des forces de sécurité égyptiennes contre les manifestants. Il a évoqué sa peur que cette même situation ne mène au chaos, rappelant que l’utilisation des armes contre les civils était une «impasse» et appelant à la reprise du dialogue pour la démocratie.

Des critiques très vives en raison d'une proximité idéologique avec les Frères musulmans

La Turquie de Recep Tayyip Erdogan avait en effet très tôt soutenu la révolution égyptienne et salué l’arrivée au pouvoir des Frères musulmans, dont son parti s’était largement inspiré.

A son tour, le président Morsi n’a jamais caché son admiration pour la réussite de l’AKP (Parti de la justice et du développement) de M. Erdogan, première formation de l’islam politique à parvenir au pouvoir par les urnes, dans la région. Mohamed Morsi était d’ailleurs venu en Turquie, en septembre dernier, pour assister au congrès de l’AKP.

Un autre aspect de l’admiration de M. Morsi pour l’AKP, c’est la manière dont le gouvernement de M. Erdogan a su écarter les militaires de la scène politique. Et c’est là que l’histoire est cynique : Mohamed Morsi a, lui aussi, voulu réduire le pouvoir des militaires, il a changé le chef d’état-major, mais ce nouveau chef d’état-major, le général al-Sissi, l’a finalement déposé.

Or c’est exactement ce que craint le Premier ministre Erdogan, d’être renversé par des militaires revanchards, par un coup d’Etat. Et c’est pour cela que, depuis le coup d’Etat du 3 juillet en Egypte, Recep Tayyip Erdogan n’a de cesse de dénoncer l’atteinte à la démocratie, la légitimité des urnes et l’injustice du sort réservé à Mohamed Morsi et au gouvernement des Frères musulmans, régulièrement élus, souligne-t-il.
 

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