Avec nos envoyés spéciaux au Caire et notre correspondante, Sami Boukhelifa, Manu Pochez et Perrine Mouterde
Au pied de la mosquée de Rabaa, des soldats armés de gourdins détruisent les derniers campements des Frères musulmans. Derrière eux, des colonnes de fumée s’élèvent de la mosquée. A l’intérieur, les murs sont noirs, une épaisse couche de cendres recouvre le sol.
Certains habitants du quartier sont en pleurs. Impuissants, ils constatent les dégâts. « C’est la police et l’armée qui ont fait ça, confie-t-on. Ils ont brûlé la mosquée avec des gens à l’intérieur. Les frères musulmans n’auraient pas fait ça ».
Les habitants du quartier sont déjà à l’œuvre, ils tentent de nettoyer les lieux.
Au milieu de la mosquée, Mohamed Nazir, un jeune du quartier, ramasse des exemplaires à moitié calcinés du saint Coran : « Je ne suis pas un Frère musulman, je suis même farouchement opposé à eux mais il faut dire la vérité, on ne peut pas voir le sang versé et se taire. Les autorités n’auraient pas dû mettre fin au sit-in par la force ».
Ce jeudi, les autorités égyptiennes déclinent toute responsabilité. Selon le ministre de l’Intérieur, seuls des gaz lacrymogènes ont été utilisés. Les Frères musulmans, eux, disent préparer de nouveaux rassemblements au Caire.
A la porte des différentes morgues de la capitale, des listes de noms sont accrochées. Les familles des victimes pleurent leurs morts. C’est le cas notamment dans le quartier de Madinet Nasr, où se trouvait le sit-in de Rabaa al-Adwiya.
Des femmes se lamentent devant la porte de la morgue de l’hôpital Taamin Sahri. Ici, tout le monde a perdu un proche, un ami. Une vingtaine de corps sont toujours alignés dans la pièce. Ahmad n’avait jamais mis les pieds à Rabaa al-Adwiya. Mais son oncle y campait depuis plus de six semaines.
« Quand il est venu ici à l’hôpital, il était blessé, confie Ahmad. Il a pris une balle dans la jambe. Je ne sais pas ce qui s’est passé, il est mort. Dieu nous vengera. Ce sont des actes de guerre ! Ils nous traitent comme des ennemis ».
Mohamed affirme lui aussi qu’il ne participait pas au sit-in des Frères musulmans. Mais son frère, lui, a été tué d’une balle dans la tête. « Je vais manifester, je vais prendre ma revanche, jusqu’à ce que ceux qui ont tué mon frère soient tués aussi », promet Mohamed.
Ali Makhous est le directeur de l’hôpital, le plus grand du quartier. Selon lui, 254 blessés et 44 victimes sont arrivés depuis mercredi dans cet établissement. La moitié des lits seulement seraient occupés.
Il relate : « Après les violences devant la Garde républicaine en juillet, nous avions reçu 526 blessés et beaucoup de morts. Il y a eu moins de victimes hier (mercredi, NDLR) ».
Des déclarations qui contredisent les différents témoignages, et même les chiffres des autorités, qui font de la journée de mercredi la plus meurtrière depuis le renversement de Mohamed Morsi.