Egypte: l’Occident condamne unanimement le «bain de sang»

Au lendemain de la répression sanglante des manifestations pro-Morsi en Egypte, les pays occidentaux condamnent à l'unanimité la brutalité de l’intervention des forces de l’ordre. Selon un dernier bilan du ministère de la Santé, au moins 525 personnes ont été tuées. Le président François Hollande a convoqué ce jeudi 15 août l’ambassadeur égyptien en France.

Lors de son entretien avec Mohamed Mostafa Kamal à l’Elysée, le président français a demandé « l'arrêt immédiat » de la répression. « Tout doit être mis en œuvre pour éviter la guerre civile », a déclaré François Hollande, « le droit de manifester pacifiquement doit être respecté ».

Pour le chef d'Etat, un premier pas vers la reprise des pourparlers pourrait être « la libération de prisonniers, dans le respect des procédures judiciaires en cours ». De nombreux Frères musulmans, y compris le président déchu Mohamed Morsi, sont à présent détenus par l'armée.

Peu de temps après cette déclaration, Berlin a emboîté le pas à Paris - en convoquant également l'ambassadeur égyptien, à l'initiative du ministre des Affaires étrangères Guido Westerwelle, qui appelle toutes les forces politiques en Egypte à « empêcher une escalade de la violence ». Londres et Rome ont fait de même.

La Turquie appelle à une réunion urgente des Nations unies

La Turquie va bien plus loin. Pays à cheval entre l'Europe et le Proche-Orient, Ankara a vivement réagi. Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan appelle à une réunion urgente du Conseil de sécurité des Nations unies, tout en qualifiant de « massacre » l'intervention des forces de l'ordre contre les partisans de l'ex-président Morsi.

C'est une attaque en règle contre toute la communauté internationale à laquelle Recep Tayyip Erdogan s'est livré au cours d'une conférence de presse. Selon lui, « se taire, c'est cautionner » le massacre. Il en appelle aux pays occidentaux : « Vous êtes restés muets en Palestine, à Gaza, vous n’avez rien dit sur l’Egypte, et vous continuez à vous taire. Comment pouvez-vous donc parler de démocratie, de liberté, de valeurs universelles et de droits de l'homme ? », a fustigé le Premier ministre turc sur un ton sévère.

Recep Tayyip Erdogan met le doigt là où ça fait mal. Les Américains et les Européens sont en effet dans l'embarras. Ils avaient, jusqu'à la dernière minute, tenté de convaincre l'état-major de l'armée égyptienne de ne pas démanteler par la force les rassemblements des Frères musulmans. En vain.

Aujourd'hui, on ne peut que constater l'échec de la médiation internationale. Pourtant, Américains et Européens n’ont eu de cesse de mettre en garde contre les conséquences politiques et économiques d'une intervention musclée des militaires.

La position du président américain est devenue inconfortable

L'un des possibles leviers pourrait être la suspension de l'aide militaire américaine, qui s'élève à 1,3 milliard de dollars par an. C'est d'ailleurs cela même que le quotidien New York Times réclame au président Barack Obama, dont la position est devenue inconfortable. Ces dernières semaines, il avait de facto apporté son soutien au coup d'Etat contre Mohamed Morsi. C’est depuis son lieu de vacances, Martha’s Vineyard dans le Massachusetts, que le président américain a dénoncé la répression en Egypte, engagée selon lui « sur un chemin dangereux ».

Barack Obama a annoncé l'annulation de manœuvres militaires conjointes avec le Caire, prévues le mois prochain. En revanche, pas un mot sur une possible suspension de l'assistance militaire américaine, ni sur une éventuelle saisie des Nations unies. Le président des Etats-Unis dit ne pas vouloir couper les ponts avec l'armée égyptienne, évoquant les liens de longue date entre Washington et Le Caire, et affirmant que c'était aux Egyptiens de déterminer leur propre avenir.

Si la condamnation semble unanime dans les pays occidentaux, il n’en est pas de même dans les pays du Golfe. Ce sont notamment les Emirats arabes unis et le Royaume de Bahreïn qui apportent leur soutien au Caire. Les Emirats disent « comprendre les mesures souveraines prises par le gouvernement égyptien, après avoir observé un maximum de retenue ces derniers temps ». Si l'on en croit le ministre des Affaires étrangères, c'est « l'insistance des groupes politiques extrémistes à tenir un discours appelant à la violence » qui aurait conduit aux « évènements déplorables ».

Le Bahrein apporte son soutien au gouvernement égyptien

De son côté, le Bahreïn estime que « les mesures prises en Egypte pour rétablir l'ordre répondent à une demande des citoyens que l'Etat a le devoir de protéger ». Il faut savoir que ce sont notamment ces deux pays, avec l'Arabie saoudite et le Koweït, qui avaient salué la mise à l'écart du président islamiste Mohamed Morsi.

En revanche, les Frères musulmans peuvent toujours compter sur la solidarité du Qatar, pays qui a dénoncé, tout comme les pays occidentaux, l'intervention meurtrière contre les partisans de l'ancien président.

Enfin, à noter que Navi Pillay, Haut commissaire de l'ONU en charge des droits de l'homme, réclame une enquête sur l'assaut des forces égyptiennes. Le pape François a quant à lui dit « prier pour les victimes des violences, pour la paix, le dialogue et la réconciliation ».

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