Egypte: au Caire, pro et anti-Morsi manifestent dans le calme

Près de dix jours après la destitution de Mohamed Morsi, des dizaines de milliers de ses partisans se sont de nouveau mobilisés pour réclamer son retour, vendredi 12 juillet. Les anti-Morsi se sont également réunis. Les affrontements que beaucoup appréhendaient n’ont pas eu lieu pour le moment. Les Frères musulmans réitèrent leur position : pas de négociation avec les nouvelles autorités.

Avec nos correspondants au Caire, Alexandre Buccianti et Perrine Mouterde

Les Frères musulmans avaient appelé leurs partisans à marcher dans tous les gouvernorats du pays. Au Caire, des manifestants se sont réunis, notamment dans le quartier de Giza, devant le palais présidentiel et devant la Garde républicaine. Ou encore devant la mosquée Rabia al-Adawiyya.

Sur la place de la mosquée, où les pro-Morsi campent depuis deux semaines, l’ambiance est à la dénonciation de ce qui est qualifié de « coup d’Etat contre la légitimité ». Sur le podium se succèdent les dirigeants de la confrérie. Plusieurs d’entre eux sont frappés d’un mandat d’arrêt, comme le guide suprême Mohamed Badie où le prêcheur Safwat Hégazi. Ils appellent au « martyr pour restaurer la légitimité » de Mohamed Morsi et « soutenir l’islam ».

C’est là que Khaled, originaire de Doumiat, s’est rendu ce vendredi. À 20 ans, cheveux en bataille - pas de barbe mais une grosse caisse en bandoulière -, il est membre des Frères musulmans et campe lui aussi depuis deux semaines devant la mosquée. « La violence n’est pas le fait des manifestants, estime-t-il.

Elle est le fait de l’armée et de la police. J’étais ici quand les violences ont éclaté devant la Garde républicaine. Nous étions pacifiques et ils nous ont tiré dessus. Mais malgré tout, nous allons continuer à protester contre ce qui se passe de façon pacifique. »

Ce vendredi, certains manifestaient pour la première fois. Pour soutenir Mohamed Morsi, mais aussi pour dénoncer ce qu’ils qualifient de « massacre » devant la Garde républicaine. Fatima et Saneh ont un message à adresser au chef d’état-major des armées Abdel Fatah al-Sissi. « Je veux dire quelque chose au général Sisi : vous avez retourné le peuple contre vous, confie l’une d'elles.

Il était avec vous, mais maintenant il est contre vous ! Nous étions prêts à rentrer chez nous, à négocier. Mais vous tirez sur les manifestants, alors on ne se taira plus ! »

Place Tahrir, des milliers d’anti-Morsi se sont réunis eux aussi, pour fêter ce qu’ils appellent « la victoire de la seconde vague de la révolution ». Chacun a ramené son repas de rupture de jeûne, et aussi un second repas, pour quelqu’un qui n’en a pas les moyens. Un signe de solidarité qui se veut annonciateur de la réalisation d’une justice sociale, l’une des principales revendications de la révolution.


Ci-dessous, le témoignage de Mohamed Abdel Aziz, un des membres fondateurs du mouvement de rébellion Tamarod, qui a fait descendre des millions d’Egyptiens dans la rue contre Mohamed Morsi le 30 juin, avant sa destitution.

« Le peuple soutient son armée face à toutes les pressions étrangères qui veulent restaurer un régime qui réalisait les intérêts de l’Occident et des Américains dans la région. Les Américains défendent à mort le régime de Mohamed Morsi, considère-t-il. Mais le peuple égyptien et ses forces armées ont exprimé leur volonté. Les soutiens populaires à la révolution du 30 juin et l’adhésion des forces armées et la réconciliation entre le peuple et la police sont la meilleure garantie de la victoire de cette révolution. C’est la raison pour laquelle je suis confiant dans la victoire.

En tout état de cause, notre main est tendue à tous pour qu’ils participent à la vie politique sans qu’il y ait, toutefois, une organisation religieuse dont personne ne connait l’origine du financement ou sa structure administrative. Le peuple veut que sa révolution aboutisse sans exclusion. Une révolution de la liberté et de la démocratie mais dans le cadre de la légalité. Nous ne voulons en aucun cas que le pays soit entrainé dans la violence ou la confrontation. »


Nabil Wasfi est un révolutionnaire de la première heure. Mais sa position à l’égard du nouveau gouvernement est pour le moins mitigée.

« Je suis très déçu du gouvernement qui se met en place, confie-t-il. J’ai le sentiment qu’on fait trop la cour aux courants islamistes contre lesquels la révolution a eu lieu et dont l’idéologie est en contradiction avec celle de ceux qui ont fait la révolution. De plus, j’ai le sentiment d’une marginalisation de composantes essentielles de la révolution du 30 juin : les jeunes, les femmes, les chrétiens.

C’est comme si ils n’existaient pas et que les seuls qui sont sur la scène sont les islamistes qui auraient dû être exclus de la vie politique. De plus des mandats d’arrêts ont été lancés contre eux. Ils sont donc considérés aujourd’hui des accusés ou des criminels avec lesquels il faudrait enquêter. Pourtant ils sont sur les places ou dans les rues sans que rien ne soit fait à leur encontre. Ca fait deux ans et demi que nous voulons réaliser un objectif et nous n’y parvenons pas et je ne sais pas si nous y arriverons. »

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