Après le double raid israélien du week-end dernier qui a touché des positions de l'armée syrienne au nord de Damas, la fibre arabe nationaliste de la télévision d'Etat s'est fait entendre la première. « Les missiles sont prêts pour frapper des cibles précises en cas de violation de l'espace syrien ». « Nous allons attendre, mais nous répondrons », pouvait-on entendre à la télévision officielle.
Sans surprise, les soutiens internationaux de Damas ont vivement critiqué l'action israélienne. C'est le cas de la Chine et de la Russie. Le ministère russe des Affaires étrangères s'est dit lundi très préoccupé par les raids israéliens menés près de Damas, tout en exprimant sa crainte de voir une escalade des tensions envahir les pays voisins, notamment le Liban.
Dans ce pays frontalier, déjà aux prises avec les combats à sa frontière, les critiques du raid israélien sont également très virulentes. L'Iran, premier allié du régime syrien, a très rapidement fait entendre sa voix en déclarant qu'il formerait des soldats de l'armée gouvernementale syrienne.
Mais des pays qui sont habituellement des critiques du régime syrien ont également condamné ces attaques. C'est le cas de l'Egypte et de la Turquie. Les autorités d'Ankara sont les principaux soutiens politiques et logistiques de l'opposition syrienne. Elles estiment que les raids israéliens contre Damas offrent une occasion à Bachar el-Assad de dénoncer un complot étranger contre son régime. La Ligue arabe s'en remet au conseil de sécurité de l'ONU, dont le secrétaire général Ban Ki-moon a appelé au calme, craignant tout autant l'extension du conflit à toute la région.
La ligne rouge d'Israël
Malgré ses accents martiaux, l'Etat syrien, qui fait face à une rébellion armée sur son propre territoire depuis deux ans, est affaibli, aussi bien militairement qu'économiquement. Il n'a ni les moyens, ni intérêt à se lancer dans des attaques de représailles contre Israël. Depuis 1967, Israël et la Syrie sont en guerre et Tsahal occupe de fait un territoire syrien, le Golan. Mais, paradoxalement, cette situation a engendré une sorte d'accord tacite entre les deux pays pour ne pas s'affronter.
Davantage que le régime syrien, c'est certainement l'Iran qui est visé par la double attaque israélienne. Déjà, en janvier dernier, lors d'un raid similaire contre des cibles militaires près de Damas, des objectifs iraniens avaient été ciblés. D'après un responsable israélien, les installations militaires prises pour objectif contenaient des missiles iraniens destinés au Hezbollah.
Dans ce conflit syrien, la milice libanaise est bel et bien engagée auprès du régime de Bachar el-Assad. Ses hommes combattent aux côtés de l'armée syrienne, notamment dans la zone frontalière avec le Liban.
La position israélienne consiste à dire à l'Iran qu'Israël ne permettra pas à la République islamique de profiter du conflit syrien pour armer davantage le Hezbollah, son allié chiite. D'autant que, d'après des sources sécuritaires américaines, les armes visées étaient des missiles de longue portée de fabrication iranienne.
Et, dans le pire scénario pour Israël, elles auraient permis au Hezbollah de toucher des villes israéliennes depuis le nord-Liban : une ligne rouge pour l'Etat hébreu. Mais Israël a, en revanche, l'œil rivé sur le Hezbollah qui pourrait réagir. Cette option reste néanmoins douteuse dans l'immédiat. Israël a renforcé sa présence au nord pour parer à toute éventualité.
Faire retomber la pression
Désormais, la majorité des acteurs a intérêt à ce que la pression retombe. D'ailleurs les Israéliens eux-mêmes ont répété ce mardi 7 mai qu'ils n'avaient pas l'intention de jouer un rôle dans le conflit syrien.
Mais l'énorme frayeur de ce week-end fera peut-être gagner du temps à Barack Obama et à tous ceux qui ne veulent pas d'intervention directe en Syrie. La communauté internationale est encore très divisée sur la façon de mettre un terme à l'impasse syrienne.
L'administration Obama continue de résister aux incitations à intervenir directement dans le conflit syrien. Les récentes déclarations de Carla Del Ponte, membre de la commission d'enquête de l'ONU sur les violations des droits de l'homme en Syrie, n'y incitent pas. Elle a accusé les forces de l'opposition d'avoir utilisé des armes chimiques. Autant de facteurs de tension qui ne vont pas encourager au soutien armé aux rebelles, mais peut-être inciter davantage à la prudence.
L'accord de Genève, une porte de sortie ?
Après la double attaque israélienne, de nombreuses voix se sont exprimées en faveur d'une solution politique. En visite à Moscou, le secrétaire d'Etat américain John Kerry a appelé le président Vladimir Poutine à « trouver un terrain d'entente » avec le régime syrien.
Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius a rappelé de son côté qu'un texte existait pour la mise en place d'un gouvernement syrien transitoire. Il s'agit de l'accord de Genève signée en juin 2012 par l'opposition syrienne, un texte qui a l'avantage de mettre d'accord à la fois le Conseil national syrien et les soutiens du régime syrien, comme la Russie.